Article publié le 8 février 2020 et mis à jour le 8 novembre 2024.
Écrire sur commande, c’est produire un manuscrit qui répond à certaines attentes d’un éditeur particulier. Parfois, le contrat d’édition est signé avant même que le roman ne soit écrit (c’est ce qui c’est passé pour L’Alliance de Penthièvre). On parle alors d’une commande d’éditeur. Mais il arrive aussi qu’on écrive un livre en ciblant précisément un éditeur. Écrire sur commande, qu’est-ce que ça veut dire réellement ? Est-ce que ça change quelque chose dans l’écriture ? L’auteur vend-il son âme au diable en écrivant sur commande ?
Dans le processus traditionnel de l’édition, l’auteur· ou l’autrice écrit un manuscrit, le corrige et le soumet à un ou plusieurs éditeurs. Dans le meilleur des cas, l’un d’entre eux dit « banco » et le manuscrit poursuit sa route. Il passe entre les mains des équipes de l’éditeur : corrections éditoriales, corrections orthotypographiques, mise en page, etc.
Dans le cadre de collections particulières, il arrive que l’éditeur signe le contrat d’édition du manuscrit avant même que celui-ci ne soit écrit. La condition, c’est que le texte réponde à quelques exigences. On parle alors d’écriture sur commande.
Écrire sur commande, ça veut dire quoi ?
Un éditeur peut être séduit par la plume d’un auteur, mais l’histoire ou le thème du manuscrit n’entre pas dans la ligne éditoriale de sa maison. C’est ce qui s’est passé avec un éditeur qui avait aimé Les Ombres de Brocéliande. Il était cependant gêné par le léger côté fantastique du roman. On m’a alors proposé de soumettre le synopsis d’un nouveau roman plus en phase avec ses attentes. Ce scénario n’a pas convaincu non plus (je l’ai depuis publié en auto-édition : il s’agit d’Un pont sur l’eau trouble).
J’ai alors proposé une nouvelle idée qui avait l’air plus porteuse et nous nous sommes donnés rendez-vous pour plus tard. Il s’avère qu’entre temps, l’éditrice a quitté la maison d’édition et j’ai donc peaufiné mon idée pour de l’autoédition : c’est devenu La dernière éclusière de Guerlédan.
Quelquefois, ça ne marche pas, mais d’autres fois, ça fonctionne ! Dans le cas de ma collaboration avec Harlequin, c’est mon agent littéraire qui m’a mise en contact avec une des éditrices de la maison. Elle avait lu Le Sang des Lumières et ma plume lui plaisait. Cependant, le roman ne correspondait pas à la ligne éditoriale (on est plus dans un roman d’aventures et d’amour que dans une romance).
Elle m’a donc proposé d’écrire un roman complètement nouveau destiné à intégrer une toute nouvelle collection de romance historique. Je me suis dit « pourquoi pas ? » et j’ai accepté de soumettre un synopsis. C’est ainsi que L’alliance de Penthièvre est sortie en octobre 2020 et a été rééditée en octobre 2024.
Forte de ce succès, j’ai commencé à travailler en 2024 sur un manuscrit pour le soumettre à Harlequin, toujours dans la collection de romance historique Victoria.
Quelles sont les étapes de l’écriture sur commande ?
Écrire sur commande d’un éditeur demande quelques pré-requis indispensables pour, d’une part, répondre aux attentes et, d’autre part, se faire plaisir quand même.
Connaître les exigences de la collection
Ça peut paraître évident, mais la première chose à faire est de prendre connaissance de la ligne éditoriale de la maison d’édition dans sa globalité, puis de la nouvelle collection en question. En ce qui concerne Harlequin, pour le premier manuscrit, j’ai lu le guide d’écriture qui pose les attentes des éditeurs en fonction du lectorat ciblé.
Ce document très complet détaille les codes de la collection (par exemple, la présence d’un happy end obligatoire, une héroïne forte, etc.). J’ai eu aussi un manuscrit à lire, pour voir concrètement ce qui était attendu. J’ai pu visualiser le type d’histoire, de vocabulaire, de scénario, de personnages…
Proposer son idée et la faire valider
Pour L’alliance de Penthièvre, j’ai proposé une idée générale, puis un synopsis à l’éditrice. Le synopsis est un résumé complet de l’histoire, avec les grands rebondissements, les évolutions des personnages, etc. Ce n’était pas évident pour une archinière comme moi qui fait des plans assez vagues et qui se laisse porter par l’histoire et les personnages. D’ailleurs, certains aspects de mon synopsis ont changé en cours de route ! Mais cette étape permet à l’éditeur d’être sûr que l’histoire qui va être écrite correspond à ses attentes.
Une fois que l’éditrice a validé le synopsis, c’est parti. On a signé le contrat et je me suis mise à écrire, en respectant les codes et les attentes de la collection. C’est là que les choses sont le plus différentes avec l’écriture classique d’un manuscrit.
Pour le deuxième manuscrit sur lequel je travaille en 2024, l’éditrice est différente et ses méthodes de travail aussi. Elle préfère donner son accord sur un manuscrit complet, mais elle a tout de même « validé » l’idée générale qui, a priori, semblent correspondre aux codes de la collection. J’ai donc rédigé un synopsis sans le lui soumettre et j’ai commencé l’écriture. J’aurais pu lui donner le synopsis à lire, mais elle ne m’aurais donné qu’un accord de principe.
Écrire et faire les corrections demandées par l’éditeur
Pendant l’écriture, rien ne change vraiment en soi. Il faut juste garder à l’esprit les exigences et les codes de la collection pour ne pas être à côté de la plaque. Pour L’Alliance de Penthièvre, j’avais envoyé les premiers chapitres rédigés à l’éditrice pour qu’elle me fasse part de ses remarques sur le style et le fond. Cela m’a permis de rectifier le tir pour le reste de l’écriture.
Une fois le manuscrit remis à l’éditeur, il effectue une relecture complète et approfondie, un peu comme une bêta-lecture, et signale en commentaires les choses à améliorer ou à modifier. Pour ma part, il s’agissait surtout de descriptions à approfondir, des problèmes de point de vue ou de narration. Dans tous les cas, je pouvais prendre en compte la suggestion ou pas (mais souvent, elles étaient fondées !).
Écrire sur commande, ça change quelque chose à l’écriture ?
Oui et non. Ce qui change beaucoup, c’est qu’on doit toujours avoir à l’esprit qu’on écrit pour un lectorat bien particulier. En l’occurrence, les lectrices de romance historique Harlequin attendent non seulement une histoire d’amour, mais surtout une certaine crédibilité historique (eh oui ! j’en ai été la première surprise).
J’ai donc dû beaucoup me documenter, notamment sur les us et les coutumes de l’époque médiévale en Bretagne. Il fallait absolument rendre une atmosphère crédible. Comme dit mon éditrice, il faut « donner à voir » afin de favoriser l’immersion des lectrices dans l’histoire.
Pour mon nouveau manuscrit 2024, j’ai choisi une époque que je maîtrise mieux, le XVIIIe siècle, mais j’ai quand même prévu de lire quelques ouvrages de référence pour m’imprégner de l’ambiance. Surtout, ma première expérience me permet d’être particulièrement vigilante sur certains aspects. Ma première romance était par exemple un peu trop historique et pas assez romance (les lectrices l’ont souvent signalé, d’ailleurs). C’est un point sur lequel je vais être très attentive.
Ce qui ne change pas, c’est que je reste l’autrice de mon roman. J’ai élaboré mon scénario, de telle manière qu’il réponde à la demande certes, mais c’est mon scénario. Ce sont mes personnages, ma façon de raconter, etc. L’éditrice apporte ses suggestions, fait des remarques et me dit là où ça ne convient pas à l’esprit de la collection. Mais c’est à moi qu’il revient de rectifier le tir. En ce sens, on reste relativement libre, loin du cliché du romancier qui écrit sous la dictée de l’éditeur.
Écrire un roman sur commande n’est donc pas une hérésie. Non, on ne vend pas son âme au diable ! C’est une expérience formatrice aussi, car elle apprend à écrire avec des contraintes. Il faut les prendre comme un cadre et non comme un carcan. L’expérience est en tout cas très riche d’enseignements et c’est pour cela que j’ai choisi de soumettre une nouvelle romance historique en 2024.
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