Offre éclair Amazon le 7 mai
Si vous me suivez sur les réseaux, vous avez sans doute aperçu mon annonce : mon dernier roman Oraison pour une île sera en Vente éclair Amazon samedi 7 mai au prix exceptionnel de 0,99€ (au format kindle uniquement).
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Si vous ne l’avez pas encore acheté, c’est le moment où jamais (même si vous n’économisez que 2€… vous vous offrirez un apéro à ma santé 😉 )… Et si vous avez déjà acheté, je ne sais pas moi… le 29 mai c’est la fête des mères, pensez-y !
Lire en musique… mais pas n’importe laquelle !
Pour fêter cette offre promo, j’avais envie de vous offrir un petit cadeau, aussi : une playlist des morceaux musicaux qui sont évoqués dans le roman. Un de mes rêves d’écrivain, ce serait d’arriver un jour à fabriquer un livre que le lecteur pourrait lire avec la musique de fond au moment adéquat. Vous savez, comme une bande originale de film, en quelque sorte : quand on dit que Joshua écoute La Mer de Debussy, hop, le morceau commence et vous accompagne jusqu’à la fin du chapitre… J’imagine qu’on arrivera à faire cela, un jour, avec les technologies surprenantes qu’on invente tous les jours !
En attendant, on va se la jouer à l’ancienne : vous trouverez à suivre les morceaux musicaux et l’extrait du roman qui s’y rapporte. Je vous invite à lire l’extrait en écoutant la musique… Allez, c’est parti !
La mer, trois esquisses symphoniques, Claude Debussy
J’ai découvert ce morceau grâce à mon prof de philo, en terminale. Il nous avait fait écouter les trois mouvements sans nous dire le titre ni le compositeur de l’oeuvre. Puis il nous avait demandé ce que la musique nous évoquait. ça n’a pas raté, on a tous parlé de la mer, de vagues, de bateaux, de tempêtes… Le but de la « leçon » du jour : montrer que la musique évoquait des images « universelles », même sans qu’on sache ce qui avait inspiré le musicien. Il s’agit ici du 2ème mouvement qui s’appelle « Jeux de vagues ». Pour écouter l’intégralité, c’est ici.
Joshua s’assit sur le pas de la porte perdu dans les touffes d’herbes folles, sa tasse à la main – le premier café du matin. Le soleil émergeait à peine et la mer se confondait avec le ciel dans les voiles brumeux de l’horizon. L’aube ; le moment de la journée qu’il préférait.
L’heure lui plaisait : celle des chassés-croisés, celles des réveils, des endormissements, celles où les mains de l’amant glissent sur les hanches de la femme étendue à son flanc. L’heure des débuts, celle des fins ; celle des continuités.
Par la fenêtre de la cuisine, grande ouverte, les accords tumultueux de La Mer de Debussy répandaient la violence des vagues sur les pavés de la chapelle de Keranroux derrière lui. Joshua appréciait d’ouvrir la porte de bois un peu décrépie, le matin, pour libérer les odeurs d’encens, de cierge brûlé et les murmures oubliés des prières laissées là en suspens. Il prenait ainsi son café sur le seuil de schiste poli par l’usure du passage en écoutant de la musique.
Un oiseau, peut-être une mésange, cherchait son petit déjeuner dans la haie vive d’en face. Joshua sourit ; il aimait ces petits instants anodins qui ne servaient à rien mais sans lesquels la vie, à ses yeux, était terne.
Dans ces moments matinaux, il s’émerveillait encore – toujours – du monde, des couleurs, des odeurs, des sons.
Le jour se levait, paresseux ; d’énormes nuages moutonnaient, d’une blancheur lumineuse, en développant leurs rondeurs aux contours tranchants au-dessus de la base, plus sombre, presque grise. Des soufflés débordant de leur moule trop étroit. Joshua connaissait ces nuages : le temps tournait à l’orage. Les jardiniers attendaient la pluie que les estivants redoutaient.
Le jeune homme soupira profondément en portant sa tasse à ses lèvres et constata qu’elle était déjà vide.
Voilà que je suis encore dans la lune… Oh, ne me harcelez pas comme ça, je sais ce que Vous pensez ! Je sais que je n’ai pas le droit… Et Vous savez comme j’aime ainsi goûter les joies de l’humanité… Oui, oui, l’homme Vous déçoit tous les jours. Moi, l’être humain me passionne. Vous devriez être plus indulgent. Comme Caroline, tenez, elle, elle mériterait d’être un ange. Elle n’a pas d’égoïsme, elle n’exige rien pour elle-même, elle n’attend rien de personne. Elle est incapable de s’imaginer compter pour quelqu’un mais elle pourrait aimer le monde entier sans rien demander en échange… Je l’envie, Seigneur, d’être capable de tant d’abnégation. Elle devrait être à ma place, je crois… Elle mérite bien plus que moi la confiance que Vous m’accordez… Non, non, je n’exagère pas.
Seule sa fierté empêchait Joshua de retourner voir Cordélia, juste pour avoir une occasion de croiser Caroline. Il était incapable d’admettre qu’elle l’avait touché, comme si c’était un épouvantable aveu de faiblesse. Des réactions comme celles-là lui faisaient mesurer l’étendue des idioties que son stupide orgueil lui faisait faire.
Mon Dieu, Vous êtes vraiment sans pitié avec moi…
Joshua grommela en rentrant éteindre la musique avant de prendre son appareil photo. Puisque les voies du Ciel se montraient impénétrables ce matin, il allait quêter la lumière orageuse de Bréhat dans le nord de l’île.
Symphonie n°41 « Jupiter » K.551, Wolfgang Amadeus Mozart
Cette symphonie fut la dernière composée par Mozart. Moins connue que la précédente (la fameuse n°40), elle est à mon sens beaucoup plus profonde, comme si le musicien sentait déjà la mort s’approcher… Il s’agit ici du premier mouvement allegro vivace, mais vous pouvez l’écouter au complet ici (une de mes versions favorites, par Karl Böhm).
Caroline hocha la tête et, tandis que le jeune homme disparaissait de nouveau dans la cuisine, elle ôta son débardeur humide pour enfiler la chemise qu’il lui avait donnée. De la musique emplit subitement la pièce ; une symphonie.
Mozart, reconnut Caroline avec un sourire.
Le vêtement de Joshua mêlait son odeur de linge frais à celle, persistante, ambrée, du jeune homme. Caroline ferma brièvement les yeux ; elle se sentait bien. A l’abri. Les photos dispersées dans la maison représentaient des paysages marins et des portraits, originaux dans leur angle de prise de vue, mais il y avait surtout de grandes compositions plus complexes, plus abstraites, témoignant d’un véritable sens artistique auquel la jeune femme était sensible.
Aucun monde ne méritant d’être cloisonné, Joshua explorait donc tous les univers. La route de ce nomade ne connaissait qu’un seul horizon : les yeux de l’autre.
Il mettait son art au service de ses émotions, canalisait de cette manière ses angoisses, représentait des sensations. Ses photos lui permettaient de s’extérioriser, de nommer – ou plutôt de montrer – ce qui lui plaisait ou qui l’interpellait.
Sa démarche rappelait parfois les peintures surréalistes ; les matières et les textures se mélangeaient pour mieux se sublimer. Les montages surprenaient Caroline par leur complexité : chaque surface se découpait en une multitude de superpositions et de juxtapositions de détails minuscules.
— Tout est dans le détail, murmura Joshua soudain auprès d’elle. Le monde n’est qu’un assemblage de détails. Tous sont insignifiants… et importants. Chacun de ces détails a sa raison d’être, comme chacun d’entre nous. J’aime à croire que les choses n’existent pas par hasard…
— Le hasard, répéta Caroline à mi-voix. Alors, tu penses qu’il n’y a pas de hasard ?
— Exactement, répondit le jeune homme en posant son service à thé sur la table basse, devant un sofa recouvert de plaids en patchwork. Tout est significatif, tout est Signe.
Caroline plissa les yeux en le regardant brièvement, puis s’abîma de nouveau dans la contemplation des œuvres, les fouillant, les scrutant, comme hypnotisée par elles. Elle replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille et libéra une goutte d’eau. Elle coula dans son cou pour mourir sur la chaîne dorée qui palpitait au rythme d’une veine translucide.
Brutalement, Joshua s’avisa que l’émotion qu’il ressentait en la regardant n’avait plus rien d’esthétique. En fait, il la dévorait des yeux, d’un regard d’adoration et de désir dont il n’avait pas conscience jusque-là. Il voulait tout d’elle, toutes ces petites choses qui rendent belle une femme : des regards sans équivoques, des frôlements à peine évités, une lettre, un sourire, un souffle…
Il ne se lassait pas de détailler le mystère de son sourire.
Fortuitement, il venait de comprendre qu’il devait être amoureux d’elle – et la violence de cette révélation, sa soudaineté aussi, le déstabilisaient. Et puis, il n’avait pas le droit.
Caroline l’effrayait avec sa soif d’absolu, les démons qu’elle devait combattre, ses errances.
Et il n’avait pas le droit.
— La quarante-et-unième, Jupiter, c’est ma préférée…
Joshua mit un moment avant de comprendre qu’elle parlait de la symphonie de Mozart.
— Le thé est prêt.
Tabula Rasa, Arvo Pärt
Un morceau très particulier, qui m’a profondément marquée pour diverses raisons. La musique, torturée et torturante, porte en elle une sorte de souffrance, comme une déchirure. Le morceau est assez long (c’est la version intégrale), mais il monte, monte, pour tomber d’un seul coup comme on saute d’une falaise…pour finir dans une espèce de néant post-apocalypse. Tout un univers, en somme.
Il correspondait bien à ce moment du roman… même si votre lecture durera moins longtemps que la musique. C’est aussi un hommage à ce compositeur contemporain méconnu.
Caroline enfouit son visage dans ses mains, pétrifiée par ce qu’elle mesurait, tandis que Cordélia la prenait dans ses bras avec affection, une moue soucieuse sur le visage. Elle savait que Joshua n’agissait jamais sur des pulsions incontrôlées, il mesurait toujours toutes les conséquences de ses actes. S’il donnait, il donnait tout. Et s’il avait choisi de donner, ce n’était effectivement ni inconsidéré, ni anodin.
— Tu ne crois pas que tu devrais aller lui expliquer tout cela ? proposa Cordélia au bout d’un moment.
— Lui dire que je n’ai pas le courage de tout quitter pour lui ?
— La lâcheté aussi doit être assumée, Caroline, répliqua doucement la vieille dame d’un air qu’elle aurait souhaité moins docte.
— Vous avez raison, mais…
— Ce sont des choses que Joshua peut entendre, tu sais.
Caroline hocha la tête en silence. Cordélia eut un sourire d’encouragement en regardant la jeune femme s’éloigner ; même si on ne lui en avait rien dit, elle devinait leur attirance mutuelle sur ce qui les différenciait. Caroline aimait la façon inquiète qu’avait Joshua d’être au monde, son regard tourmenté sous ses airs désinvoltes, cette fragilité qu’elle suspectait et qu’il cachait sous ce faux orgueil insupportable. Joshua était séduit par la sensualité qu’elle dégageait, dans son rapport au monde, aux autres, à elle-même. Elle n’était que sensation, là où il ne pouvait être que réflexion ; là où il était spiritualité, elle ne pouvait être que matérialiste. Caroline était gourmande de le côtoyer, il était froid dans le contact, réservé sur ce qui le concernait. Cordélia savait qu’il avait fait dire à la jeune femme des choses dont elle n’avait même pas conscience et qu’il l’avait révélée à ses propres yeux.
En arrivant devant la chapelle Keranroux, Caroline hésita et ralentit le pas en constatant que, là où logeait Joshua, tout était fermé. Sur la porte voûtée encadrée de géraniums, une enveloppe de kraft punaisée l’attendait sagement.
« Caroline,
« Je sais par avance que ce mot te heurtera. Mais peu m’importe finalement car ton attachement finit par m’effrayer.
« J’écoute Arvo Pärt en t’écrivant. Sa musique me donne envie d’imploser. Je sais que tu as déjà ressenti cela ; le désir de se dissoudre enfin en Tout… en Dieu peut-être. J’y réussirai un jour ou bien j’aurais été sur Terre pour rien ?
« C’est une curieuse sensation de mort alors qu’il y a une heure, j’étais prêt à vivre, littéralement, pour toi. Mais le sens du tragique et du désespoir a le dessus. J’ai tout perdu. Quand bien même je n’avais rien à perdre…
« La pièce musicale de Pärt s’appelle Tabula Rasa ; les jeux de violons sont une torture.
« Je ne sais pas si je reviendrais à Bréhat mais j’aimerais autant que tu n’y sois plus à mon retour. Tu m’as apporté quelque chose d’inestimable, qu’il t’est impossible de mesurer, alors que je savais de toute éternité que je n’aurai jamais rien à t’offrir. Je m’en veux d’avoir été comme cela avec toi et je t’en demande pardon.
« Oublie-moi, Caroline. Prends soin de toi et sois heureuse.
« Joshua. »
Livide, Caroline posa une main sur le mur pour s’y accrocher. Ses paupières se baissèrent lentement. Elle soupira. Déglutit, la gorge sèche. Chassa le vertige de toute sa volonté. Elle rouvrit les yeux, le cœur au bord des lèvres.
Les lignes de la lettre s’emmêlaient. Elle la replia soigneusement, avec une lenteur douloureuse. Chaque contact avec le papier meurtrissaient ses doigts aussi sûrement que si elle caressait le tranchant d’une lame.
Elle resta silencieuse un long moment, une grimace crispant ses lèvres et tout son visage.
Une goutte de sueur – ou une larme – glissa sur sa joue.
Voilà, j’espère que ce petit voyage en musique vous aura plu et vous donnera envie de lire (ou relire) Oraison pour une île… n’oubliez pas de m’aider en relayant le message autour de vous mais aussi en allant commenter et noter le livre sur Amazon !
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