Suite de la petite balade que je vous propose sur les lieux emblématiques de Brocéliande, en compagnie de Gabriel et de Marion, les héros de mon dernier roman Les ombres de Brocéliande. Je ne peux que vous inciter à contacter l’Office de tourisme Destination Brocéliande, ils sauront vous guider pour découvrir cette magnifique forêt.
Le château de Comper
Le château de Comper est situé tout au nord de la forêt. Ce jour-là, avec ma fille et ses copines, nous n’y avons fait qu’un arrêt express car je savais que pour visiter le Centre de l’imaginaire arthurien et ses magnifiques expositions, il faut prendre le temps (et nous n’avions qu’une après-midi pour tout faire !).
Je ne peux que vous conseiller d’y faire une longue pause, cela vaut le détour. Toute l’histoire de la forêt est là et bien plus encore : on y évoque aussi le Moyen-Âge, les fées, les dragons, tout ça… et les légendes arthuriennes, bien sûr.
Le château de Comper et le lac qui le borde sont connus pour être le domaine de la fée Viviane, l’amoureuse de Merlin l’enchanteur. C’est là que le magicien construisit pour elle un palais invisible : il paraît que quand on se penche sur l’eau du lac, on peut voir les tours se détacher des profondeurs. On surnomme aussi Viviane « La dame du lac ». C’est dans ce palais que Viviane a aussi élevé Lancelot (du lac, donc), le chevalier au cœur pur qui lèvera entre autres le sortilège de Morgane au Val sans retour (ça va, vous suivez ?).
— Si mes souvenirs sont bons, le testament parlait de cette entrée monumentale, expliqua Marion en désignant la voûte sous laquelle ils se tenaient et qui marquait le début de la cour du château.
Malgré lui, Gabriel ne put s’empêcher de scruter les pierres du mur, posant ses doigts sur les joints qui s’effritaient, interrogeant chaque anfractuosité à la recherche d’un indice. Il n’insista pourtant pas très longtemps, comme s’il avait acté le fait qu’il ne trouverait rien.
— Je reviendrai, je reviendrai, murmura-t-il en revenant vers la voiture avec Marion. J’aime bien ce château, il ressemble au mien… enfin au futur mien !
(Chapitre 25, Les ombres de Brocéliande).
Concoret et le chêne à Guillotin
On poursuit cette balade en Brocéliande non loin du petit village de Concoret (où Gabriel et Marion dînent un soir). Là se trouve le très remarquable chêne à Guillotin, que l’on appelle aussi Chêne Eon. Cet arbre vénérable a, dit-on, plus de mille ans.
Il doit son nom à un prêtre réfractaire, Guillotin. Sous la Révolution française, ce brave homme d’église refusa de prêter serment sur la Constitution civile du Clergé décrétée par l’Assemblée nationale : il devint proscrit. Pour échapper aux Gardes Nationaux, il se cacha dans le tronc du chêne et s’y abrita le temps que les soldats s’éloignent. Aujourd’hui, on ne peut plus entrer dans le tronc mais celui-ci fait toujours une circonférence impressionnante. Une plateforme l’entoure et soutient ses plus grosses branches, pour encore quelques années sûrement…
La fontaine de Jouvence
En continuant notre balade en Brocéliande vers l’est en direction de Saint-Malon-sur-Mel, on arrive sur un parking à proximité du Tombeau de Merlin et de la Fontaine de jouvence. Il faut être vigilant sur la route, car tous les sites ne sont pas indiqués très clairement (ou alors au dernier moment !). Même moi qui connaît la forêt par coeur, j’ai fait demi-tour une ou deux fois…
La fontaine de Jouvence est moins spectaculaire que Barenton, à mon sens, et pourtant elle est plus grande. Mais elle est moins sauvage, plus policée, moins surprenante. En revanche, si vous poussez quelques mètres plus loin, vous découvrirez une drôle de clairière où les gens de passage s’amusent à empiler des cailloux (on voit ça souvent). Ici, la légende a « récupéré » ça en racontant que les lutins déplacent les monticules dès que vous avez le dos tourné. La tradition veut que l’on marque son passage dans la clairière en faisant aussi son petit monticule, mais surtout sans détruire ou démonter ceux qui existent. On a juste le droit de ramasser les cailloux qui sont déjà tombés…
Sur certains, vous verrez des petits mots, des fleurs, parfois même des morceaux de bijoux, autant d’ex-voto émouvants assez caractéristiques de ces croyances païennes qui émaillent les traditions bretonnes (un jour, je vous parlerais peut-être de la Tombe à la Fille, en forêt de Teillay…).
Qui a dit que tu allais revenir dans ce trou perdu, d’abord ? Gabriel Mauny, tu as autre chose à faire que de te balader à la recherche des enchanteurs sous les pierres et des fées dans les arbres ! Si Gilles m’entendait, il me rigolerait au nez, tiens.
— Oh ! C’est quoi, ça ?
Levant la tête, il venait de tomber en arrêt sur une image complètement décalée : devant lui, dans une sorte de petite carrière creusée à même la roche, se trouvaient des centaines de petits tas de pierres empilées les unes sur les autres. Certains édifices atteignaient même le mètre de hauteur, ressemblant parfois à des dolmens, serrés les uns contre les autres.
(Chapitre 12, Les ombres de Brocéliande)
Le tombeau de Merlin
Ce site peut décevoir si on s’attend à quelque chose de grandiose. Au contraire, moi je le trouve émouvant parce qu’il est intime. On entre dans une petite clairière bien délimitée par une sorte de petite palissade noyée sous les arbustes et au milieu de laquelle se trouvent trois grosses pierres. Avant, un houx poussait entre les deux plus grosses : aujourd’hui, il a disparu (coupé ? tombé ?).
Là aussi on retrouve des offrandes multiples et diverses que beaucoup de touristes mal renseignés prennent pour des déchets : des fruits, des papiers avec des messages, des tickets de loto (!), des branches, des fleurs… Le jour où nous sommes venus, il y avait de magnifiques roses blanches sur la pierre, mais aussi deux petites statuettes de fées cachées entre les deux roches.
A chaque fois que je suis face au tombeau de Merlin, je ne peux m’empêcher de penser aux personnes qui ont déposé ces objets : pourquoi l’ont-elles fait ? qu’ont-elles demandé à Merlin ? leur voeu s’est-il réalisé ? Je trouve que cela rajoute à l’ambiance mystique qu’on ressent ici.
Est-ce Merlin qui nous ensorcelle ? Je ne le sais. La légende raconte que Viviane a enfermé ici pour l’éternité l’enchanteur dans neuf cercles d’air, retournant contre lui son sort le plus puissant…
En fait, il se retrouvait sans mots pour décrire ce qu’il ressentait. Curieusement, lui si cartésien, si rationaliste, ressentait presque la présence de l’enchanteur au milieu de cette forêt. Quelque chose — ou quelqu’un ? — l’interpellait. Gabriel ferma les yeux comme pour s’imprégner de cette présence. Marion le regardait, troublée ; elle n’imaginait pas que le jeune homme serait sensible à ce point au site légendaire.
— Pourquoi Viviane l’a-t-elle enfermé là ? demanda-t-il en se relevant pour rejoindre Marion.
— Afin de le garder à ses côtés pour toujours, répondit la jeune femme. Merlin lui a appris le secret pour retenir un homme éternellement… Elle l’a utilisé contre lui. Mais c’était par amour. On dit qu’ils sont toujours dans la forêt, ensemble, et qu’ils prennent désormais des formes différentes : oiseaux, papillons, cerfs… C’est le symbole des amants éternels.
— C’est une belle histoire…
(Chapitre 11, Les ombres de Brocéliande)
Le chêne des Hindrés
On poursuit cette balade en Brocéliande par un arbre, sur la route qui rejoint Paimpont : il faut s’arrêter sur un parking en pleine ligne droite, puis faire huit cent mètres dans la forêt.
Les arbres ici sont tous très hauts, sinueux, majestueux, avec cet air vénérable qui les rend vivants. Ma fille m’a dit « On est chez les Ents du Seigneur des Anneaux ! » et je crois qu’elle a raison : on s’attend presque à ce que les arbres parlent.
Le chêne des Hindrés est moins vieux que celui de Guillotin mais il a tout de même quatre à cinq cents ans. Ses branches maîtresses sont pleines de rondeurs, comme des tentacules figées.
Un peu plus loin, vous trouverez une reconstitution des fouées de charbonniers : Brocéliande a été, au 19ème siècle, un grand centre industriel. On extrayait du sous-sol du plomb aurifère (c’est-à-dire qu’il contenait d’infimes quantités d’or) et l’on fondait le plomb aux Forges de Paimpont (celles de la chanson !). Pour alimenter les forges, on avait besoin de charbon et la population de la forêt brûlait donc du bois selon la technique des fouées pour fabriquer du charbon. Fin de la minute pédagogique 🙂 .
Trécesson
Nous n’avons pas eu le temps de le voir ce jour-là, mais c’est un des sites les plus célèbres de la forêt. Château de conte de fées, il fait rêver les petites filles avec ses tourelles, son pont-levis et son étang mystérieux.
La légende, elle, est moins joyeuse : on dit que le fantôme d’une jeune mariée enterrée vivante le soir de ses noces revient errer la nuit sur les eaux du lac…
— Les bourreaux n’étaient pourtant pas des psychopathes, répondit Marion en riant. Il semblerait qu’il s’agisse des deux frères de la fiancée. Ceux-ci n’acceptaient pas l’époux qu’elle s’était choisie… On dit que le fiancé est entré ensuite dans les ordres. Depuis, on voit parfois une silhouette en robe blanche flotter au-dessus de l’étang de Trécesson.
— Tu n’as pas quelque chose de plus drôle ?
— Attends voir… Ah, il y a aussi la légende du Manoir du Pied d’Ânon, s’exclama Marion. Ou alors préfères-tu celle de la Chambre aux revenants ?
— Trécesson serait-il hanté ?
— On le raconte… Mais c’est peut-être une supercherie des propriétaires pour qu’on les laisse tranquilles !
Ils avaient continué leur promenade tout en parlant, sur le ton de la confidence, alors que l’obscurité commençait à envahir les lieux. Ils restèrent un long moment assis sur le mur qui bordait l’étang, regardant la nuit avaler progressivement le château qui dégageait quelque chose d’assez intense, comme une aura ou même un charme magnétique.
(Chapitre 37, Les ombres de Brocéliande).
Voilà, c’est la fin de cette balade en Brocéliande… Alors, vous venez quand ? La première partie de la promenade est à découvrir ici. Sinon, vous pouvez aussi découvrir mon roman Les Ombres de Brocéliande pour prolonger la ballade.
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