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Un roman, ce n’est pas qu’un univers

En plus d’apprendre à dessiner des mangas, ma fille est en ce moment en train de travailler sur le synopsis de son roman de fantasy. « Enfin », pourrais-je ajouter ! Elle a en effet passé beaucoup de temps à définir son univers, dessiner des cartes, inventer des noms de lieux et de personnages, retardant d’autant le moment de passer à la narration elle-même. Or, un roman, ce n’est pas qu’un univers, aussi précis et merveilleux soit-il. C’est avant tout une histoire. C’est vrai en fantasy, mais aussi pour tout roman.

Au cours d’une conversation sur le groupe Facebook de Scribbook, je me suis rendu compte que c’était un travers qu’ont beaucoup d’auteurs et d’autrices débutants. La personne en question disait qu’elle était bloquée, car elle avait des personnages, un monde, des cartes, des lieux, etc. Mais elle était incapable de démarrer l’écriture malgré toute cette matière.

Au fil de la discussion, il s’est avéré qu’elle avait tout, sauf « quelque chose à raconter » : une histoire. C’est-à-dire l’essentiel.

L’importance de l’univers dans un roman

Je crois qu’on a tous été bluffé, à un moment ou à un autre, par l’univers patiemment construit par Tolkien dans le Seigneur des Anneaux. Il a tout inventé, depuis la géographie jusqu’à la mythologie, des langages, des coutumes… C’est le stade ultime de la fantasy, en tout cas à mon sens. Mais s’il en était resté là, Tolkien aurait publié une encyclopédie de la Terre du Milieu et non pas des romans, contes, légendes et autres nouvelles.

C’est là toute la nuance (et qui fait de Tolkien un grand écrivain) : il a su, à un moment donné, prendre des personnages pour raconter leur histoire. La création de l’univers ne sert que de décor, de background, comme on dit dans les jeux vidéos.

C’est quoi, un univers ?

C’est un élément important dans les littératures de l’imaginaire (SF, fantasy, fantastique…), mais pas seulement. Un roman historique, quelque part, a aussi son univers propre, sauf qu’il n’a rien d’inventé : pour le construire, on doit faire appel à des faits avérés, des sources diverses. Si l’on écrit un roman réaliste qui se déroule dans un pays qu’on ne connait pas du tout, on va devoir aussi recréer l’univers de ce pays, sa géographie, ses coutumes, sa langue…

Comme le rappelle Pierrick Messien dans un article de l’excellent blog Le souffle numérique, plus l’univers d’un roman est précis et détaillé, plus l’histoire sera crédible et touchera le lecteur. Sauf qu’il faut savoir jusqu’où aller dans le niveau de détail. Sinon on risque de passer sa vie à créer un univers sans jamais écrire la première ligne d’un roman !

Jusqu’où détailler l’univers de son roman ?

Pour bien cadrer le niveau de détail, il ne faut pas perdre de vue que l’univers doit servir l’intrigue ou l’histoire racontée dans le roman et non l’inverse. Ce qui nous intéresse, dans le Seigneur des Anneaux, c’est le périple de la Communauté pour détruire l’anneau unique et non l’univers, même si sans tout ce formidable contexte, le périple en question aurait beaucoup moins d’impact !

Il est donc tout à fait inutile de prendre du temps pour inventer un langage pour le peuple de votre roman si cela vous permets seulement de caser trois ou quatre phrases dans votre histoire (qui, en plus, auront besoin d’être traduites pour être comprises par le lecteur).

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Le Seigneur des Anneaux : un roman et non une chronique de la Terre du Milieu. Photo Vincent M.A. Janssen

Pierrick Messien conseille avec raison de commencer par travailler son intrigue avant de créer son univers et non pas après, comme l’a fait ma fille, par exemple. Cela permet de savoir de quoi on a besoin, en terme d’univers, pour écrire le roman.

Quand j’ai commencé à écrire ma romance médiévale, je savais que je voulais parler de la Bretagne ducale avant la duchesse Anne, mais c’était tout ce que j’avais comme idée du contexte. Par contre, j’avais déjà mes deux héros et les grandes péripéties de leur histoire. Comme il fallait un conflit, j’ai imaginé qu’ils appartenaient à deux clans rivaux.

En me documentant sur l’histoire de la Bretagne avant 1500, je suis arrivée à cette fameuse guerre de Succession des années 1341-1365. De là, j’ai construit l’univers de ma romance, en affinant mes recherches au cours de la rédaction.

Le cœur du roman, c’est l’intrigue

Qu’est-ce qu’une bonne histoire ?

Je me souviens toujours de cette vidéo du Mooc Draftquest Écrire une oeuvre de fiction durant laquelle David Meulemans paraphrasait Hitchcock en martelant :

Un roman (ou un film), c’est trois ingrédients :

1. une bonne histoire,

2. une bonne histoire,

3. une bonne histoire.

Maintenant, il faut savoir ce qu’est une bonne histoire… C’est avant tout une histoire dont on a envie de connaître la suite et la fin, tout en ayant envie de prolonger sa lecture. On part d’un point A pour aller à un point B en passant par différents points. Pendant ce voyage, les personnages vont évoluer, se transformer, vivre.

Des personnages que l’on suit

Une histoire repose sur une intrigue : en dramaturgie, il s’agit de l’enchaînement des événements et des faits modifiant la situation initiale des personnages. Pour écrire un roman, il faudra donc fatalement des personnages, sinon on est en train d’écrire une encyclopédie. Ces personnages se trouveront au début dans une situation initiale, modifiée par un élément perturbateur (ou plusieurs) et toute l’histoire résidera dans leur réaction, avant d’arriver à la situation finale. Évidemment, c’est très schématique, mais on peut caser dans ce schéma quasiment toutes les œuvres de fiction !

Pour revenir à notre autrice débutante de Scribbook bloquée dans l’écriture malgré son univers foisonnant, en discutant avec elle, il s’avérait qu’elle n’avait pas de personnages principaux, pas de héros. Il fallait donc qu’elle commence par en identifier, afin de s’attacher à suivre leurs pas : c’est à travers eux qu’elle allait pouvoir faire vivre son univers.

Pour finir, certains écrivains aiment créer des univers, d’autres préfèrent raconter des histoires. Je suis plutôt dans le deuxième groupe, même si j’aime infiniment le travail de recherche pour rendre le contexte historique dans mes romans. Et vous, vous êtes univers ou histoire ?

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