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[Roman en cours] #ProjetBrocéliande

Pendant les vacances, je n’ai pas fait que me promener et me reposer, j’ai aussi avancé sur mon quatrième roman, qui s’appelle pour l’instant #ProjetBroceliande.

Dans mon dernier billet à ce sujet, je vous disais que j’étais en pleine restructuration du plan : en effet, je n’avais pas retouché au premier jet qui datait de novembre 2015 (je l’ai écris lors du Nanowrimo). Il fallait donc remettre un peu de cohérence dans les scènes, dans les dates, mais aussi dans les personnages (la grande-tante devenait la grand-mère au milieu du roman par exemple !). Ensuite j’ai découpé les scènes les plus longues et essayé d’harmoniser les chapitres. Enfin, j’ai dégagé trois parties qui structurent l’action, ça m’a permis de doser le suspense et de savoir où je voulais aller.

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Cependant, il y avait des choses qui n’allaient pas : j’avais notamment un problème d’enjeu, au départ. Gabriel doit chercher quelque chose mais je n’arrivais pas à trouver pourquoi. Or pour que le lecteur soit intéressé par sa quête, il faut qu’il sache pourquoi c’est important ! Donc je devais trouver une sorte de « mobile » si on veut parler comme les policiers. Après quelques tâtonnements, j’ai réussi à construire cet enjeu et les différentes étapes de la quête de Gabriel : tout tourne autour du testament laissé par Eugénie, sa grand-mère.

J’avais aussi un problème de comment : au cours du roman, Gabriel découvre différents sites de la forêt de Brocéliande, grâce notamment à Marion, la notaire qui s’occupe de la succession de sa grand-mère. Sauf que toutes ces visites n’avaient elles non plus pas vraiment d’enjeu, mis à part l’attrait touristique… Ce n’était pas très intéressant. L’illumination m’est venue (comme souvent) sur la route, en rentrant du travail : Gabriel doit visiter ces différents sites pour trouver ce qu’il cherche. Le seul inconvénient de cette nouveauté, c’est que je dois réécrire un certain nombre de scènes !

Enfin, et ça c’est plus une histoire d’écrivain, j’avais envie de travailler un peu plus sur le narrateur et lui donner une vraie place dans mon roman, contrairement aux précédents où le narrateur est relativement effacé. Là, j’ai envie de lui donner une voix. La solution m’est venue en écrivant le prologue. J’ai écrit ce texte presque d’un trait, un soir, après avoir visionné cette surprenante vidéo d’un secrétaire allemand du 18ème siècle :

Et voici le texte que ça a donné :

Prologue

Avec une lenteur précise, la vieille dame avait refait le noeud plat du ruban mauve autour des enveloppes avant de reposer le petit paquet dans le tiroir. Dessus, elle avait replacé la photo, après l’avoir contemplée encore une longue minute. Puis elle avait refermé le tiroir en quart de cercle et actionné le mécanisme permettant de le dissimuler. Sa main ne tremblait pas.

D’aussi loin que je me souvienne, Eugénie avait toujours aimé ce secrétaire monumental du XVIIIème siècle en marqueterie à cause de ses innombrables cachettes, toutes aussi ingénieuses les unes que les autres, mais aussi parce qu’il se transmettait de génération en génération depuis les derniers jours de l’Ancien Régime.

Ces derniers temps, elle s’y asseyait souvent, non pas qu’elle eût quoi que ce soit à écrire ou à lire, mais simplement pour faire jouer les machineries complexes du meuble afin d’ouvrir les tiroirs et autres portes cachées. Elle y enfermait tous ses secrets. Personne ne savait ce que recelaient les tiroirs minuscules et les boîtes ajourées. Personne en dehors d’elle et moi.

Ce soir-là, elle n’avait pas joué longtemps avec les clés et les engrenages. Je voyais bien qu’elle avait quelque chose en tête. Malgré ses quatre-vingt-dix ans, elle avait allumé la lampe posée sur le bois précieux du secrétaire et avait pris du papier et un stylo. Je ne l’avais pas vu écrire depuis de longs mois. Elle était trop faible pour le faire. Mais ce soir-là, elle était animée d’une force renouvelée. Elle avait posé ses mots, sans hésiter, sans ratures, comme si elle savait de toute éternité ce qu’elle allait écrire.

Son visage était empreint d’une grande lucidité et en même temps, on lisait dans ses yeux je ne sais quel bonheur secret. Comme la satisfaction de réussir enfin là où elle avait toujours échoué. Elle avait plié la feuille, soigneusement, l’avait introduite dans une enveloppe qu’elle avait cacheté et laissé en évidence sur le secrétaire. Enfin, elle avait refermé méthodiquement, avec précaution et une évidente jubilation, tous les tiroirs, toutes les portes, en faisant jouer tous les mécanismes. Avec comme un goût de dernière fois.

Elle avait caressé le plateau brillant décoré de scènes légendaires de la forêt qu’elle aimait tant. Brocéliande, aux limites imprécises. Brocéliande, la forêt « dont Bretons vont souvent fablant »*. Brocéliande qui, du temps de Néanderthal, recouvrait une bonne partie de la Bretagne. Brocéliande et ses paysages uniques, mêlant forêts de feuillus massifs et landes plantées de genêts, de bruyères et de pins, surgissant de roches de schistes rouges tirant sur le violet. Brocéliande, berceau des légendes arthuriennes des chevaliers de la Table Ronde, terreau favorable aux croyances populaires et plus ou moins païennes vénérant les fées, les taureaux bleus et les pierres maudites. Ce monde merveilleux et féérique, c’était le sien, et c’était peut-être la seule chose qu’elle regrettait de quitter.

Avec un soupir, Eugénie avait gagné le lit médicalisé qui avait remplacé le grand lit à baldaquin qui trônait au milieu de la chambre et s’était allongée sans défaire totalement le couvre-pied, comme elle en avait l’habitude. Je l’ai regardée s’endormir. Elle paraissait heureuse, sereine. Apaisée. J’ai fini par m’endormir moi aussi. La chambre était silencieuse. A peine si l’on entendait le vent secouer les chênes et hêtres séculaires de la forêt de Paimpont qui entourait le manoir comme une barrière protectrice et rassurante.

La vie l’a quittée dans son sommeil, comme une ombre. Je n’ai rien vu, moi à qui rien n’échappe d’habitude… Quand j’ai ouvert les yeux, elle reposait dans les bras de Pauline, son amie de toujours, sa presque soeur, celle qui ne l’avait jamais abandonnée et qu’elle avait pris sous son aile. Pauline pleurait en silence. C’était fini. Eugénie était morte.

Moi, je savais que ce n’était qu’une autre histoire qui commençait…

* Roman de Rou, Robert Wace, écrivain normand du XIIème siècle, premier manuscrit où le nom de « Bréchéliant » (forme ancienne de Brocéliande) apparaît.

A présent, j’ai terminé la restructuration du plan, je suis en train de revoir les différentes scènes pour intégrer les nouveaux éléments d’intrigue et surtout donner sa place au narrateur.

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Le Miroir aux Fées, près du Val sans Retour (photo Destination Brocéliande)

Je commence également à réfléchir à un titre et à une couverture. En général, le titre me vient après l’écriture. Pour l’instant, j’ai quelques idées et je ferai peut-être un sondage plus tard pour vous demander votre avis. Dans quelques semaines, si tout va bien, j’enverrai le roman à quelques bêta-lecteurs (si ça vous intéresse d’être dans le lot, laissez-moi un commentaire pour que je vous contacte !).

Alors, qu’en dites-vous ? Est-ce que ce roman en projet vous intéresse, vous attire ? Dites-moi tout !

 

 

 

4 réponses sur « [Roman en cours] #ProjetBrocéliande »

Bravo ! Superbe !

Je me suis également prise au jeu de l’écriture d’une petite histoire sur un petit garçon dans le Paris des années 50. J’en suis sur mon blog à l’épisode 15.
Jusqu’ici, j’avais écrit sans retouches, comme toujours. J’aime que l’inspiration fuse et que les mots se jouent de ma pensée.
Mais le besoin se fait maintenant sentir de structurer mon histoire par un plan, de me documenter sur ces années-là. Et là, je cale un peu. Je veux bien quelques conseils. Merci !!

Par ailleurs, je suis prête à faire partie de tes « beta-lecteurs. » Si tu veux. 😉

Je ne peux que te conseiller de t’inscrire au prochain Mooc Ecrire une oeuvre de fiction de Draftquest (normalement une nouvelle saison démarre prochainement). Tu trouveras plein de conseils et de bonnes idées pour restructurer ton histoire.
Ce que tu peux faire dans un premier temps, c’est écrire le plan de ton histoire : ce que tu as déjà écrit et aussi ce qui va suivre (même si c’est vague, décide au moins où tu veux en venir).
Pour la documentation, si tu ne l’as pas fait avant d’écrire, tu peux le faire soit au fur et à mesure, soit après avoir fini ton premier jet (moi je fais après : pendant l’écriture, je marque juste « vérifier tel truc » ou « étoffer tel passage » pour ne pas me couper dans mon élan.
Je note pour la bêta-lecture, merci !
Bon courage de ton côté 🙂

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