Le rôle des paysages bretons dans mes histoires

Il y a des terres qui imprègnent l’âme et l’imaginaire. Certains lieux sont porteurs d’histoires bien avant que les mots viennent les habiller. Je suis née en Bretagne et, pour moi, cette région est un de ces endroits. Ses paysages puissants et contrastés sont plus qu’un décor. Ils influencent mes intrigues, façonnent mes personnages et insufflent une atmosphère unique à mes romans. Des landes de Bréhat battues par le vent aux forêts chargées de légendes comme à Brocéliande, en passant par les ports où résonne encore l’écho des marins d’aujourd’hui et d’hier, les paysages bretons sont une source infinie d’inspiration dans mes histoires. Je vous invite à un voyage au coeur de mes histoires, là où la Bretagne (historique, c’est-à-dire Loire-Atlantique comprise !) devient un personnage à part entière.

La Bretagne, une terre de caractère qui façonne les intrigues

Impossible d’évoquer la Bretagne sans parler de son caractère bien trempé (comme celui de ses habitants et habitantes !). Ici, la nature est brute, sauvage, toujours fascinante et surprenante. J’aurais pu écrire sur des îles balayées par les embruns (Sein, Ouessant, Molène…). J’ai préféré Bréhat et son atmosphère de paradis presque méditerranéen, ses fleurs, ses trésors cachés au détour d’un sentier. Pourtant, la solitude et la rudesse de la vie insulaire, hors du temps, m’ont inspiré l’histoire d’amour improbable que je raconte dans Oraison pour une île.

Au fil des pérégrinations de Caroline, Bréhat devenait un labyrinthe baroque : des chemins innombrables bordés de murets fleuris, des maisons imposantes en granit rose, des fenêtres basses dissimulées dans des hortensias immenses, des arbres centenaires, de grands jardins sauvages, quelques vaches paisibles dans des champs minuscules, des milliers d’oiseaux jacassant dans les buissons, des fleurs, des fleurs surtout, dont les parfums embaumaient le soleil en se mêlant à l’odeur fraîche et iodée de la mer à deux pas.

Les sentiers se croisaient et s’entrecroisaient continuellement en formant des boucles et des détours. À chaque fois, Caroline prenait une direction pour atteindre un endroit précis… et débouchait ailleurs. Sa promenade se construisait ainsi, au fil des imprévus, au hasard des découvertes. Elle avait bien pris une carte, mais les lieux-dits n’étaient pas signalés sur les chemins, à part les sites remarquables. Partout ailleurs, les villages, les hameaux, les rues n’avaient pas de nom. Se repérer relevait de la navigation savante à la boussole et Caroline, enchantée, jouait à se perdre sans risques.

Oraison pour une île, chapitre 4.

Dans L’héritage oublié de Brocéliande, la forêt n’est pas seulement un autre de ces paysages bretons plein d’histoires. Elle devient une entité vivante qui participe à l’intrigue. Ses sites emblématiques et ses légendes influencent le destin des personnages tout en nourrissant le mystère du roman.

Des lieux chargés d’Histoire, reflets du passé et du présent

La Bretagne, c’est aussi une terre marquée par l’Histoire. Au cours de mes études, j’ai suivi un an en fac d’Histoire, juste par plaisir (et un peu pour mûrir mon projet professionnel). Mon cours préféré, c’était l’Histoire de Bretagne. Ce lien profond entre le territoire et son héritage nourrit bon nombre de mes romans.

Dernièrement, je me suis replongée dans mes cours avec délices pour écrire L’Alliance de Penthièvre. Il me fallait en effet un épisode historique breton à l’époque médiévale et j’avais souvenir d’une bataille dont mon père me parlait à chaque fois qu’on prenait la route du Morbihan. Il s’agissait de la Colonne des Trente, qui commémore l’affrontement entre trente chevaliers en 1351. Ce combat s’inscrit dans le cadre de la guerre de Succession de Bretagne (1341-1365). Hop, j’avais mon événement historique !

— Je vous rappelle que je ne suis duc de Bretagne que par notre mariage, madame, reprit‑il avec calme. Je n’ai pas le droit de prendre de décision en ce qui concerne le duché sans votre aval. J’ai donc signé un accord provisoire allant dans le sens des évêques ; nous avons convenu de l’entériner ou non dans quatre jours à mi‑voix du combat des Trente.
Pénélope avait souvent entendu Jeanne évoquer cet affrontement de trente champions du comte de Blois contre autant d’Anglais, en 1351, à mi‑chemin entre Josselin et Ploërmel. Aucun parti n’était sorti vainqueur de l’affrontement, qui était passé au rang de symbole de la guerre de Succession.
— C’est hors de question !
Jeanne de Penthièvre avait poussé un véritable rugissement. Dressée face à son mari, elle irradiait une colère froide qui en disait long sur ses pensées. Pénélope suivait leur échange avec passion et admirait la faculté qu’avait Jeanne de tenir ses positions face à son époux.
— Hors de question, vous m’entendez ? Jamais je ne consentirai à ce qu’on remette en cause mes droits. La Bretagne n’est pas une tarte à la groseille que l’on se partage entre héritiers, je refuse qu’on la mette en pièces. Je suis l’héritière légitime et reconnue du duché de Bretagne, et mon patrimoine sera indivisible tant que je serai de ce monde !

L’Alliance de Penthièvre, chapitre 7

Dans mon prochain roman, la cité corsaire de Saint-Malo sert de point d’ancrage à l’histoire d’une jeune femme prise dans les remous du grand commerce maritime et d’un mariage arrangé qu’elle refuse. Mais je ne saurais oublier ma bretonne préférée, Éléonore, l’héroïne de la saga des Lumières. Même si l’intrigue ne se déroule pas beaucoup en Bretagne, l’indisciplinée ne se prive pas de rappeler à tout bout de champ d’où elle vient (et, de fait, d’où vient son caractère bien trempé !).

— Pourquoi vous êtes-vous embarquée ? Vous êtes pauvre ? Repris de justice ? Janséniste peut-être ?
— Ma mère voulait me marier et moi je voulais être libre… Je suis partie.
— Tout simplement, apprécia Flogeac avec une pointe d’ironie. Et pourquoi sur la mer ? — Je suis bretonne, monsieur, répondit Éléonore en se redressant, comme si cela expliquait tout. Chez nous, en Bretagne, on naît avec de l’eau de mer autour du cœur.

Le Vent des Lumières, chapitre 8

Avec La dernière éclusière de Guerlédan, je suis allée chercher du côté de l’histoire contemporaine. Je me souvenais de ce que me racontait ma maman et mes grands parents quand j’étais enfant. Ils ont vu l’arrivée de l’automobile, de la télé ou de l’électricité. L’assec du lac a fait revivre des paysages bretons et leurs histoires enfouies sous les eaux. J’ai voulu évoquer, à travers l’histoire d’Eulalie, l’évolution des moeurs et de la société au XXe siècle.

Une nature miroir des émotions et appel au voyage

Dans mes romans, les éléments naturels ne sont jamais anodins. Ils accompagnent l’évolution des personnages, traduisent leurs doutes, leurs espoirs, leurs combats intérieurs. Dans Un pont sur l’eau trouble, l’estuaire de la Loire et ses eaux mouvantes, tantôt paisibles, tantôt imprévisibles, reflètent le cheminement d’Ariane et d’Hadrien. L’une est de retour sur les lieux de son passé, l’autre sur le chemin de la rédemption.

J’accorde beaucoup d’importance aux paysages bretons parce que j’aime transporter mes lecteurs et lectrices ailleurs, leur offrir une immersion totale. Je veux qu’ils ressentent l’air iodé du littoral, qu’ils entendent le bruit du vent dans les arbres et perçoivent les nuances infinies du ciel breton.

À plusieurs reprises, des lectrices et lecteurs m’ont confié qu’ils avaient eu envie de découvrir des lieux de mes romans. Certains sont allés à Brocéliande ou à Bréhat, d’autres ont découvert le château de Suscinio ou la ville de Châteaugiron. Pour ceux qui connaissaient déjà ces lieux, mes livres ont réveillé des souvenirs, comme pour Christian : « la description poétique du paysage est documentée. Des souvenirs resurgissent à la lecture, qui incitent à revoir ces lieux ». Ces retours figurent parmi les plus beaux compliments qu’on puisse me faire, car ils prouvent que la magie de l’évocation a opéré bien au-delà des mots.

Les paysages bretons ne sont pas de simples décors dans mes romans. Ils sont un moteur narratif, un révélateur d’émotions, un témoin du temps qui passe. Ils influencent mes intrigues, imprègnent mes personnages et invitent les lecteurs à une véritable immersion. Que vous soyez amoureux de la Bretagne ou simplement curieux de découvrir ses mystères, j’espère que mes histoires sauront vous faire voyager au cœur de cette terre unique : c’est par là pour découvrir mes romans !