Sortie de l’opéra, à l’approche de minuit – dixit l’horloge du beffroi de l’hôtel de ville. Je suis euphorique et en même temps j’ai envie de pleurer. Dès les premières mesures du Nozze di Figaro de Mozart, j’étais émue… Je les ai tellement écoutées que de les entendre, là, « pour de vrai », résonner sous la voute de la petite salle de l’opéra me met dans un état second. Je suis heureuse et une émotion me serre le coeur. Bonheur qui se transforme en tristesse, cette tristesse qui vous prend à la fin des choses qui se terminent.
Curieusement, la plénitude s’entremêle de vide. Voir ou entendre ainsi quelque chose de si grand, de si intense vous renvoie à cette ‘insignifiance intime, ce petit sentiment de n’être rien. C’est comme si l’émotion était trop forte pour être vécue pleinement de peur d’exploser complètement. Encore une fois, l’impression de refuser l’abandon, de peur de se perdre. Dans la musique ? Quel danger y aurait-il à cela ? Je m’interroge. Pourquoi la musique me met-elle dans un état pareil ?
Les accords vifs et ciselés subsistent dans mes oreilles sous forme d’acouphènes. Je revois le Figaro pétillant, la Susanna espiègle, la Contessa bouleversante. Je repense à Beaumarchais, puis au théâtre, je revois le visage de Figaro saluant le public, à la fin de l’opéra, avec un sourire épanoui, magnifique, reconnaissant, soulagé – ce sourire que ceux qui sont montés une fois sur scène connaissent. Je sais ce qu’il ressent, ce moment fabuleux où l’hommage du public est la plus belle des récompenses. On sourit en ayant envie de pleurer, il y a une sorte de symbiose qui fait chaud au coeur. C’est bouleversant de sincérité, je voudrais le partager, là, à cet instant. L’écrire. Communier dans la beauté de l’art. A cet instant, c’est la solitude qui s’impose…
Je ferais une mauvaise critique culturelle, tous les spectacles me paraissent sublimes du fait même de la chance que j’ai de les voir. Inconsciemment, y assister est déjà un immense bonheur pour moi. Je ne peux donc pas dire si la musique était bien jouée, si la mise en scène ceci ou cela, si les comédiens étaient la hauteur… je n’ai que mon émotion, mon coeur qui bat, mon souffle court, mes larmes. J’ai pu voir cela, ressentir, aimer, vibrer, être en dehors du monde durant quelques heures. Quelquefois, seulement de temps en temps, l’idée que je n’existe vraiment que dans ces moments-là me traverse l’esprit.
Envie de réagir ? Laissez un commentaire !