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Projet Brocéliande : un extrait, ça vous dit ?

J’avance tranquillement mais sûrement dans la réécriture de mon quatrième roman, le Projet #Broceliande… D’ailleurs, je vais peut-être bientôt vous solliciter pour m’aider à choisir le titre et la couverture ! En attendant, je vous propose de découvrir un extrait inédit de ce nouveau roman sur Brocéliande.

chat noir projet brocéliande

Chapitre 6 : Enchanté, Merlin

Les robinets crièrent lorsque Gabriel fit couler l’eau dans la baignoire de fonte de la salle de bains. Il se déshabilla complètement, content de quitter son costume – qu’il ne portait que rarement, en plus – comme si un rendez-vous avec un notaire nécessitait de se déguiser en homme d’affaires ! Nu, il entra dans l’eau chaude au milieu des volutes de vapeur parfumée et, debout dans la baignoire, se savonna vigoureusement comme il en avait l’habitude sous la douche. Puis il s’avisa soudain de sa bêtise : il était dans une baignoire, il pouvait s’allonger !

Il ferma les yeux, laissant la quiétude l’envahir, enivré par la chaleur de la vapeur d’eau. Cela faisait au moins des siècles qu’il n’avait pas pris de bain… d’ailleurs il n’avait même pas de baignoire dans son studio minuscule !

Quelque chose comme un déplacement d’air le sortit brusquement de sa léthargie et Gabriel ouvrit les yeux sans bouger. Juste auprès de lui, sur le rebord de la baignoire, un chat noir se tenait en équilibre en le toisant de ses grands yeux verts.

— Bonjour. Je suppose que tu es Merlin, murmura Gabriel, à peine étonné de cette intrusion.

Le chat, voyant qu’on lui parlait, ferma les yeux lentement et les rouvrit, comme pour acquiescer. Puis il posa son arrière-train sur le rebord de la baignoire, ses deux pattes avant jointes et la queue enroulée autour de lui. Enfin, ses paupières se baissèrent, ne laissant filtrer qu’un mince éclat vert. C’était un chat magnifique, en parfaite santé, avec un poil luisant et d’un noir de jais. Il regardait Gabriel à travers ses yeux mi-clos avec un air condescendant qui fit sourire le jeune homme. Ils restèrent ainsi un long moment, les yeux fermés tous deux, Gabriel dans l’eau, Merlin sur le bord de la baignoire, sans bouger d’un cil.

Je dois la vérité à mon lecteur : le fait que Gabriel ne s’effraie pas de la présence du chat a pesé positivement dans la suite des événements. C’était comme si le jeune homme adoptait sans conditions le domaine et ses habitants, humains ou animaux. D’ailleurs, les habitants du domaine, de leur côté, semblait adopter Gabriel tout aussi facilement. Je dois reconnaître qu’il donnait parfaitement l’impression d’être chez lui, comme s’il avait toujours vécu ici, alors que la dernière fois qu’il était venu, il n’avait pas deux ans…

Lorsqu’il entendit le chat sauter à terre, Gabriel émergea de son demi-sommeil et prit conscience qu’il serait peut-être de bon ton de ne pas bouder le dîner de Pauline. Il sortit de la baignoire dans une gerbe d’eau bruyante, s’enveloppa dans une serviette et se frictionna tout le corps pour se réchauffer, car l’atmosphère s’était singulièrement refroidie.

— L’isolation doit être à refaire, je suppose, dit Gabriel tout haut pour meubler le silence qui se faisait pesant par moment.

Dans la chambre bleue, rien n’avait bougé, mis à part le chat qui avait dû fourrer son museau dans son sac de voyage et dans l’armoire que Gabriel avait laissée ouverte. Le jeune homme sourit en secouant la tête et s’habilla, d’un jean et d’un polo avec un pull en coton cette fois, avant de sortir. Le chat avait disparu.

Lorsque Gabriel atteignit le couloir, Merlin le doubla, tête haute, queue en l’air, trottant fièrement à petite allure vers la porte de la cuisine qu’il poussa de la tête, libérant une bonne odeur de soupe. Gabriel éclata de rire et suivit le chat.

— Ah ! C’est tout juste prêt, dit-elle en le voyant. J’ai l’habitude de manger dans la cuisine, mais si vous préférez nous pouvons…

— Non, non, la cuisine me va très bien, coupa Gabriel. Je n’ai pas l’habitude de vivre dans cinquante pièces !

— Ce grand manoir vide doit vous paraître impressionnant, non ?

— Oui, un peu. Mais j’aime son air endormi qui le rend mystérieux… Je crois que je vais prendre le temps de le découvrir demain… Vous croyez que je peux caresser Merlin ?

Pauline jeta un oeil par dessus son épaule et vit le chat, posté au pied de la chaise de Gabriel.

— Essayez toujours, dit-elle avec un sourire. S’il ne veut pas, il ne vous laissera pas le toucher.

Gabriel fit la moue et avança sa main vers le chat, persuadé que celui-ci allait s’en aller. Merlin ouvrit tout grand ses yeux verts et leva la tête pour sentir la main qui flottait au-dessus de son crâne.

— Laissez-le vous renifler, commenta Pauline en observant la scène.

Le chat promena son nez le long des doigts de Gabriel puis, finalement, y frotta sa joue au bout de quelques secondes.

— C’est bon, vous pouvez le caresser, reprit Pauline d’un ton de victoire. Vous faites partie de la famille !

Gabriel sourit en passant sa main sur la fourrure soyeuse de l’animal qui ondulait sous la caresse en ronronnant. C’était stupide, mais cela lui faisait plaisir que le chat de sa grand-mère l’accepte ainsi, lui qu’il n’avait jamais vu. C’était comme si, à travers le chat, tout le domaine venait de l’accueillir à bras ouverts et de l’accepter comme nouveau propriétaire. Ce qui n’était d’ailleurs pas loin d’être la vérité.

Pauline avait servi le potage pendant ce temps et Gabriel se concentra sur son repas. Merlin, sagement assis sur son arrière-train, le museau en l’air, s’était de nouveau posté au pied de sa chaise. Son regard attentif suivait chaque mouvement de la main droite de Gabriel, au cas où un morceau de tomberait du ciel de façon impromptue. Seul, le bout de sa queue ondoyait sur le plancher méthodiquement, avec une régularité de métronome.

Le silence embarrassait Gabriel, mais il ne savait pas vraiment comment engager une conversation avec Pauline : sur quel sujet, avec quel prétexte ? Il n’y avait même pas de télé pour donner une occasion de lancer un thème. Gabriel se creusait la cervelle pour trouver une façon d’entamer le dialogue à bâtons rompus avec la vieille dame sans avoir l’air trop niais, jusqu’à ce que Pauline ouvre la bouche pour parler.

— Vous êtes du genre frileux ?

Gabriel la regarda d’un air étonné, pris de court par la question. Elle ne semblait même pas surprise par son silence.

— J’ai vu que vous aviez frissonné, ajouta-t-elle. J’en ai conclu que vous aviez froid. Je pense que votre logis à Paris est bien mieux isolé que cette grande maison froide…

— Oui, dit enfin Gabriel en constatant que Pauline avait vu juste : il avait froid. Je suppose que c’est une question d’habitude.

— Le froid tombe en même temps que la nuit, en général, c’est tout de suite plus humide en bordure de forêt, reprit la vieille dame en débarrassant les plats. Café ?

— Non, je vous remercie, je crois que je vais aller dormir, dit Gabriel en s’étirant. Cette journée pleine de découvertes m’a épuisé, à vrai dire !

— Je comprends… Bonne nuit, alors. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à venir me voir.

— C’est gentil, mais je pense que ça ira… Merci pour cet excellent repas, Mme Colin.

— Vous pouvez m’appeler Pauline, murmura la vieille dame en rosissant.

— Alors bonne nuit, Pauline.

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Les mains dans les poches, Gabriel quitta la cuisine pour regagner sa chambre. Derechef, le chat le suivit jusqu’au pied du lit et, tandis que le jeune homme se brossait les dents, s’enroula sur le couvre-lit afin de commencer une toilette minutieuse. Gabriel, qui n’avait jamais eu l’occasion de partager l’intimité d’un animal, observait d’un oeil curieux les contorsions du chat pour lécher chaque centimètre carré de son pelage avec une application méthodique.

Le jeune homme déballa son ordinateur portable et le posa sur le chevet, mais renonça finalement à l’allumer : il était vraiment trop fatigué ce soir. Près de la lampe se trouvait un dépliant touristique sur la forêt de Brocéliande et il y trouva des noms étranges : Folle-Pensée, Néant-sur-Yvel, Le Perthuis Néanti… Il apprit que la forêt couvrait plus de sept mille hectares appartenant à des propriétaires privés et qu’on la présentait comme étant le berceau des légendes du cycle arthurien, contant les aventures du roi Arthur, des chevaliers de la Table Ronde et de la quête du Graal.

— Je savais bien que cette forêt me disait quelque chose ! mumura Gabriel en repliant le prospectus. Au moins, je ne vais pas m’ennuyer dans ce coin, il y a de quoi visiter…

Au bout du lit, le chat leva une oreille polie pour montrer qu’il avait entendu mais reprit son léchage sans en paraître affecté. Gabriel sourit, éteignit la lampe de chevet et s’endormit presque aussitôt. Son sommeil fut peuplé de chevaliers en armure, de fées évanescentes et d’enchanteurs légendaires, mais il passa une excellente nuit.

Alors, qu’en pensez-vous ? Hâte de partir avec moi au pays des fées ? Dites-moi tout en commentaires ! Et pour ne pas rater la sortie de ce quatrième roman, n’oubliez pas de vous abonner ici

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