Oraison pour une île : genèse d’un roman

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« Oraison pour une île« , mon second roman, paru en novembre 2015, est né d’une rencontre : celle d’un roman inachevé avec une île. Curieux me direz-vous… C’est aussi une longue histoire, qui rejoint aussi celle de mon cheminement dans l’écriture.

L’accueil qu’il reçoit auprès des premiers lecteurs, tout comme le 1er prix ex-aequo du concours DraftquestLibrinova (déjà remporté en 2014 avec Le Vent des Lumières) me font particulièrement plaisir… parce qu’en réalité, « Oraison pour une île » est le premier roman que j’ai écrit ou plutôt que j’ai terminé, bien avant « Le vent des Lumières ».

Je pense que tous les auteurs ont leur « roman-doudou », qu’il soit quelque part dans leur tiroir ou bien déjà dans les librairies. Le « roman-doudou », c’est qui nous suit depuis les premières années d’écriture, celui qu’on a réécrit des centaines de fois, celui qu’on abandonne parce qu’on en peut plus de le retravailler et qu’on reprend quand même des années après justement parce qu’on l’a trop retravaillé pour le laisser tomber…teddy-422370_960_720

« Oraison pour une île » est de ceux-là, pour toutes ces raisons et parce qu’il a eu une vie aussi chaotique que ses protagonistes.

La toute première histoire qui mettait en scène Caroline, l’héroïne d’Oraison pour une île, est née sur mes cahiers d’adolescente et ressemblait à tous les premiers romans d’ados : des histoires d’amour, de quête de sens, d’amitié, des drames… le tout très décousu, souvent bavard, sans fil conducteur, bref… J’étais lucide mais je m’éclatais.

Au fil du temps et des versions, après déjà beaucoup de réécritures, j’ai eu la première version d’un roman très long, en plusieurs parties déséquilibrées qui racontaient la vie de Caroline. Au départ il n’était pas question de Bréhat, l’histoire se terminait dans une forêt et il y était aussi question de chevaux (j’ai toujours aimé les chevaux). Bref, rien à voir avec le roman tel qu’il est aujourd’hui.

Un jour de mai (c’était vers la fin des années 90 mais je me rappelle très bien de ce jour…), ma maman m’entraîne dans une sortie d’une journée sur l’île de Bréhat, que je n’avais jamais visitée et que je connaissais seulement de nom. La première partie de la journée est consacrée au tour de l’île par la mer, en bateau, puis on débarque à Port-Clos pour randonner tout au long de la journée.

Et là, coup de foudre. Total.

Ile de Bréhat, débarcadère canot de sauvetage SNSM
Désolée pour l’image avec le filigrane… mais la photo est tellement belle que je n’ai pas pu résister ! Il s’agit de l’abri du canot de sauvetage de la SNSM, à Bréhat bien entendu.

Non, je n’y ai pas rencontré l’homme de ma vie (c’était déjà fait !). Mais je suis tombée amoureuse de l’île. Vraiment, comme quand on tombe amoureuse de quelqu’un. Je ne saurais dire ce que j’ai aimé ou peut-être que c’était tout un ensemble, en fait : les fleurs, la mer, cette atmosphère à la fois souriante et sauvage, pleine de mystère et de retenue…

Sur la route du retour (on avait pris un car), ma maman s’est même inquiétée parce que je ne disais plus rien. J’allais très bien, mais j’étais juste concentrée : j’étais en train de réécrire mon roman (enfin, la dernière partie surtout) dans ma tête. Cette expression est restée, d’ailleurs, de ce jour : « j’écris dans ma tête ». C’est aussi ce jour-là que j’ai décidé de transposer la dernière partie du roman à Bréhat.

Les années qui ont suivi ont été consacrées à la réécriture de cette dernière partie et, par voie de conséquence, des deux précédentes pour les mettre en cohérence. Ce ne fut pas une partie de plaisir, je suis passée par différentes versions, sans qu’aucune ne me satisfasse vraiment.

Malgré tout, j’envoie mon roman, qui s’appelle à l’époque « Granites », à plusieurs éditeurs et, parallèlement, au concours littéraire d’Arts et lettres de France. Je gagne le 1er accessit dans la catégorie roman (et en profite pour découvrir Bordeaux à l’occasion de la remise des prix).

Quelques mois plus tard, je reçois une lettre des Editions du Dilettante : un courrier de refus (j’en collectionne quelques-uns déjà !) mais celui-ci est manuscrit et, pour la première fois, il est personnalisé : la personne qui a lu mon manuscrit en a fait une critique. Certes c’est très court (trois ou quatre lignes) mais c’est argumenté et surtout, c’est très juste. Il explique ce qui ne va pas (les élans de déprime de Caroline sont trop mièvres, l’une des histoires d’amour est trop convenue) mais dit aussi que ces défauts sont dommages car l’idée de la retraite à Bréhat est intéressante. De là je décide de conserver ce dernier épisode à Bréhat et de construire le roman autour de ça.

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Chapelle Saint-Michel, à Bréhat… « à 33 mètres au-dessus de la mer ».

Après maintes et maintes réflexions, croquis et autres essais, je décide alors de faire subir un régime sec à mon roman : l’épuration est drastique, il perd la moitié de son volume (les deux premières parties, grosso modo). Dans la dernière partie qui se déroule donc à Bréhat, l’un des personnages principaux disparaît (il sera réutilisé dans un autre roman : rien ne se perd !) et je recentre l’histoire sur les deux protagonistes Caroline et Joshua. Bref, l’action est concentrée, on gagne en densité et en émotion. Les seules choses auxquelles je ne touche presque pas, ce sont les descriptions de Bréhat. Tout ça en étant retournée à Bréhat qu’une seule fois depuis la première visite (en tout et pour tout, je n’y suis allée que 4 fois).

En 2005, le roman prend son titre presque définitif (à un mot près !) et sa forme actuelle (il n’y aura plus beaucoup de changements) mais pourtant il reste encore dans un tiroir une dizaine d’années. En effet, j’ai du mal à « accoucher » de ce texte atypique pour plusieurs raisons :

  • Il y a beaucoup de moi dans Caroline (même si c’est loin d’être autobiographique) et le personnage de Joshua me donne du fil à retordre car il est l’incarnation de personnes qui ont compté pour moi (les fameuses « ombres » qui sont en dédicace).
  • C’est devenu un roman court (25 000 mots, quand un roman « classique » dépasse les 50.000).
  • Il est axé sur une ambiance, l’atmosphère particulière de Bréhat et ce que j’ai bâti autour dans l’histoire. L’action n’est pas au centre de l’écriture, à tel point qu’on a pu me dire qu’il ne se passait rien dans le roman (ce qui est vrai, dans un certain sens).
  • Je revendique aussi une écriture travaillée, quelquefois à la limite de la prose poétique, qui participe, pour moi, de cette atmosphère particulière.

Bref un livre pas évident à « vendre », surtout pour un premier roman.

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Source Kaboompics

Malgré tout, début 2015, encouragée par mon premier prix au concours Draftquest-Librinova avec « Le vent des Lumières », je décide de ressortir « Oraison pour une île » de son tiroir, de le retravailler à l’occasion de la saison 3 du Mooc et surtout, de le soumettre à la bêta-lecture à la fois des autres participants au Mooc et au jury du concours Draftquest. Histoire de savoir, une bonne fois pour toutes, si ce roman a un public et s’il a une chance de plaire à quelqu’un d’autre qu’à moi…

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Le verdict est sans appel : mes bêta-lecteurs sont enthousiastes et, cerise sur le gâteau, je gagne le 1er prix ex-aequo en juillet. Charlotte, de Librinova, me confie même qu’ils ont été surpris en découvrant les noms des vainqueurs (car les manuscrits étaient anonymes). C’est une magnifique récompense pour moi, car je pensais que ce roman était définitivement trop personnel pour plaire à d’autres lecteurs.

 

 

 

Mon roman-doudou a donc une vie devant lui, mais cette fois il appartient aux lecteurs de l’écrire…Pour l’acheter, c’est par ici que ça se passe. Vos commentaires sont aussi les bienvenus !

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4 réponses sur « Oraison pour une île : genèse d’un roman »

Bonjour ! Oui, j’avoue que ce fut éprouvant (rires). Ce qu’il reste de la version originale, c’est le roman actuel, mais j’ai conservé ce que j’ai enlevé (certains passages ont déjà resservi dans d’autres romans 🙂 ).

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