- Il n’avait pas le bonheur de pouvoir s’abandonner sans réfléchir à une inclination (…). Longtemps, au coeur même de son amour, il resta solitaire, sachant bien que son ami ne lui appartiendrait vraiment que quand il l’aurait révélé à lui-même.
- On eût dit qu’il ignorait les chemins qui ne mènent nulle part, la marche errante dans le rêve, qu’il ne voulait point les admettre.
- Car aimer n’était pas pour lui une fonction naturelle mais un miracle.
- Comme un homme empoisonné, il était rempli à éclater du sentiment d’avoir à se débarrasser de quelque chose de mortel, profondément entré en lui.
- Il vivait davantage dans le monde de ses rêves que dans la réalité. Le monde réel (…) restait à la surface, une mince peau frémissante sur le monde irréel des images saturé de rêves. Un rien suffisait à percer un trou dans cette mince pellicule, quelque chose d’évocateur dans la consonnance d’un mot grec au milieu de la leçon terre-à-terre, une onde de parfum venue du sac à herboriser du Père Anselme, un coup d’oeil jeté sur une tige du feuillage de pierre qui ruisselait là-haut de la colonne supportant l’arc d’une fenêtre – de petites impulsions de ce genre, et c’était assez pour perforer la peau de la réalité et déchaîner, derrière le réel paisible et desseché, les abîmes, les torrents et les voies lactées de ce monde d’images de l’âme.
- Aimer une femme, se donner tout à elle, l’envelopper toute en soi et se sentir tout enveloppé en elle, ce n’est pas la même chose que ce que tu appelles « être amoureux ».
- Rien, absolument rien ne pouvait s’exprimer à fond, se penser à fond et pourtant on avait toujours en soi à nouveau le besoin ardent de parler, l’éternelle tendance à penser !
- Ses mains parlaient un autre langage. Ses doigts s’appliquaient au plâtre auquel ils donnaient forme d’un geste sûr, mais plein de sensibilité. Ils le traitaient comme ceux d’un amant traitent l’amante qui se livre à lui : tout vibrants de sensations amoureuses, d’une tendresse qui ne fait point de différence entre prendre et donner, sensuels et respectueux tout ensemble, et ils avaient l’air de tenir leur maîtrise d’une expérience profonde et vieille comme le monde.
- Il n’est pour eux ni temps ni histoire, ni visées ambitieuses, ni ces curieuses idoles de la prospérité et du progrès auxquels on croit désespérément quand on possède une maison.
- C’était de cette même matière irréelle et magique qu’étaient tissés la nuit nos rêves : un rien où se trouvaient encloses toutes les images du monde, une onde dans le cristal de laquelle toutes les formes des hommes, des bêtes, des anges et des démons demeuraient sous l’aspect de possibles qui jamais ne sommeillaient.
- On ne peut pas être heureux quand on sait que bientôt tout sera fini, envolé. – (…)Il n’est pas de bonheur qui dure longtemps. Mais si ce que nous avons maintenant ne te suffit pas et ne te fait plus de plaisir, je mets le feu sur l’heure à la cabane et chacun de nous ira son chemin.
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