À l’aube des 18 ans de ma fille aînée, j’avais envie d’écrire une lettre imaginaire à la jeune fille que j’étais. Comme un exercice d’écriture…
Chère Lynda de 1993,
Au moment où je t’écris, nous sommes en 2019 et je vais bientôt avoir 44 ans (donc toi aussi, par voie de conséquence). Présentement, tu vas en avoir 18. J’avais envie de t’écrire cette « petite bafouille » (pour reprendre Pierre Perret que tu chantais à tue-tête, enfant) pour te donner quelques nouvelles de l’avenir.
Je sais, ce n’est pas très bon de savoir ce qui va arriver. Mais puisque tu considères que le hasard n’existe pas, sans doute que le destin non plus. Pourquoi t’écrire maintenant, en cette fin avril, à toi qui va avoir 18 ans ? Parce que, dans quelques jours, le 1er mai, ma fille aînée (donc la tienne), va avoir 18 ans. Elle s’appelle Morgane. ça ne t’étonnera pas beaucoup, tu as toujours dit que tu appellerais ta première fille comme la fée des légendes de Brocéliande… Elle aime dessiner et elle veut en faire son métier. Tu as une autre fille, aussi, Héloïse, qui a quatorze ans.
Toi, du haut de tes 18 ans, tu veux devenir journaliste. Enfin, pour être honnête, tu veux devenir écrivain. Mais il n’y a pas d’écoles d’écrivain et le système t’oblige à choisir une école. Alors, tu as décidé d’étudier dans ce qui s’y rapproche le plus. Tu t’es inscrite à deux écoles, Tours et Bordeaux. Tu as tenté aussi les concours d’entrée de Sciences Po à Grenoble et à Rennes.
Scoop : tu feras tes études à Tours… et tu n’iras jamais à Bordeaux. Un accident de voiture (sans gravité) stoppera ta route le matin du concours, début juin. Et le lendemain, comme un mauvais présage auquel tu ne veux pas croire, la foudre s’abat sur ta maison, enflamme la charpente et détruit une grande partie de ta chambre. Les pompiers et les pluies d’un orage comme tu n’en verras plus jamais (en tout cas jusqu’à présent) inondent ce qui n’est pas brûlé. En 2019, c’est Notre-Dame qui vient de brûler… Ces événements ne t’empêcheront pas de passer ton bac, quelques jours plus tard. Et de l’avoir, avec mention Assez Bien.
Aujourd’hui, tu n’es pas journaliste. En revanche, tu écris. Tu es même écrivain, même si tu as parfois du mal à le considérer (à cause de ce fichu syndrome de l’imposteur). Mais tu es bien romancière : tu as publié cinq romans, tu écris le sixième. En 2015, tu as enfin terminé ce roman historique que tu as commencé à quatorze ans parce que tu voulais réécrire une histoire d’Angélique à la manière d’Anne Golon… Ton premier roman sera publié en édition traditionnelle, cette reconnaissance que tu espérais tant. Celle qui te confirme que, oui, ce que tu écris mérite d’être lu.
18 ans, c’est l’âge où on se pose beaucoup (trop) de questions. Sur soi, sur son avenir, sur ses choix (ou l’absence de choix). En pleine remise en question, tu interroges tes amis, tes amours, tes emmerdes… Finalement, tu prendras une direction en te demandant si c’est bien la bonne. Mais tu fais quand même confiance à cette intuition qui te souffle que tu as raison.
Et tu as raison. Tes amis se sont évaporés dans les limbes du temps, même si tu en conserves un souvenir ému. Tes emmerdes ont changé de nature, mais tu as appris à y faire face. Quant à tes amours, elles durent, avec le même, depuis presque trente ans… Comme un repère. Ou un repaire. Vous avez essuyé des tempêtes, mais deux enfants plus tard et quelques pérégrinations professionnelles, vous décidez de repartir à zéro, ensemble. Comme quand vous aviez 18 ans et que vous êtes partis vous installer à Tours parce que vous n’envisagiez pas de ne pas vivre ensemble. La vie te le confirme que tu ne t’es pas trop plantée, de ce côté-là. À se demander même si ça valait le coup d’hésiter !
18 ans, c’est l’âge où on se cherche, où on essaie, où on se trompe. ça fait sans doute partie du jeu, partie de la vie. Tu aimerais bien que je te donne des conseils, des pistes, des solutions, depuis l’avenir. Je sais bien que tu ne liras jamais cette lettre, du haut de tes presque 18 ans. Mais au fond, si on avait déjà toutes les réponses et toutes les certitudes d’avance, ce ne serait pas si marrant. La vie est intéressante à vivre parce qu’elle est faite de tentatives et d’incertitudes. Si tu connais déjà la fin du livre, quel est l’intérêt de commencer à le lire ?
Tout ce que je peux te dire, du haut de mes presque 44 ans, c’est qu’il faut aller de l’avant, toujours. Qu’il faut écouter tes rêves et cette petite voix qui te murmure de croire en toi. Pour toi, c’est sans doute trop tard, car je sais bien que tu ne liras jamais cette lettre, du haut de tes presque 18 ans. Mais peut-être que d’autres filles de presque 18 ans liront cette lettre… avant d’en avoir 44. 😉
Signé : Lynda de 2019
Envie de réagir ? Laissez un commentaire !