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Mystères et énigmes : comment je construis mes intrigues de roman

S’il y a un point commun dans mes différents romans, qu’ils soient historiques ou contemporains, c’est la présence de mystères et d’énigmes. Pour autant, ce ne sont ni des thrillers, ni des polars, ni des romans paranormaux. Quelques-uns ont des tendances fantastiques, mais c’est tout. Les mystères non-résolus ont toujours attiré les humains, que ce soit dans l’Histoire ou dans la vie quotidienne. Et moi, en tant qu’autrice, j’aime jouer avec les énigmes dans mes romans. Voici comment je procède pour construire les intrigues de mes romans et y intégrer du suspense et des interrogations.

L’inspiration : là où naissent les mystères

Les mystères m’ont toujours inspirée. Cette part d’inexpliqué, les failles du raisonnement ou dans l’Histoire sont autant de sources d’inspiration pour mes intrigues. Le meilleur exemple reste Brocéliande, ses légendes et ses phénomènes mystiques, que j’utilise dans L’héritage oublié de Brocéliande pour semer du mystère dans le déroulement de l’histoire.

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L’entrée du manoir dont hérite Gabriel, dans L’héritage oublié de Brocéliande : un lieux mystérieux qui recèle bien des secrets.

Mais les légendes n’y sont pas le propos principal. Le mystère réside aussi dans les questionnements du héros face aux événements qui lui arrivent. Pourquoi n’a-t-il jamais connu sa grand-mère paternelle, qui lui lègue pourtant son manoir en Brocéliande ? Que sait Pauline, la vieille dame qui y réside et qui a accompagné la grand-mère durant presque toute sa vie ?

La promenade de Gabriel le conduisit jusqu’aux limites du parc, à l’orée de ce qu’il devinait être la forêt de Brocéliande. De loin, le manoir prenait sa véritable majesté, solidement ancré et dressant fièrement sa silhouette presque aussi haute que les arbres centenaires qui l’entouraient. Les mains dans les poches, la tête en l’air, Gabriel trouva une petite gloriette abritant une espèce de kiosque à musique. Un banc en bois à la peinture écaillée indiquait que l’endroit devait être très fréquenté par la précédente propriétaire. Gabriel s’y assit en souriant, se sentant beaucoup moins las, comme s’il captait l’énergie de la nature renaissante en appréciant chaque rayon que le soleil timide offrait parcimonieusement.

Les bras ballants derrière le dossier du banc, le jeune homme renversa la tête en arrière, ferma les yeux, les rouvrit. Il comprit pourquoi Eugénie avait installé son banc à cet endroit, pas tout à fait dans la forêt, ni tout à fait dans le parc : d’ici, on se rendait compte que le manoir se trouvait légèrement en contrebas par rapport à l’orée de la forêt, et de cet observatoire on dominait presque tout le terrain. Au loin, on distinguait de larges vallons couverts de landes, d’ajoncs et d’arbres entremêlés de schiste violet – la pierre locale, semblait-il.

Quelque chose se passait, comme si l’esprit d’Eugénie lui parlait.

L’héritage oublié de Brocéliande, chapitre 5.

Les histoires familiales, souvent pleines de non-dits et de secrets, m’ont aussi inspirée pour écrire La dernière éclusière de Guerlédan. Pour la petite histoire, c’est ma meilleure amie qui m’a raconté la vie de son arrière-grand-mère, jamais mariée, plusieurs fois mère… et qui a transmis son nom de jeune fille à ses enfants. Après, j’ai greffé dessus l’histoire du barrage de Guerlédan et ses conséquences sur la vie quotidienne des habitants de la vallée.

Donner vie au mystère à travers les personnages

Les émotions humaines complexes (la jalousie, les amours impossibles, l’ambition…) créent également des mystères, comme dans Petite mouette, Un pont sur l’eau trouble ou Oraison pour une île. Dans l’Histoire, j’aime m’infiltrer dans les failles de la documentation pour construire les intrigues de mes romans. Les zones d’ombre de Robespierre m’ont laissé la latitude nécessaire pour imaginer des relations, des dialogues et des comportements, sans pour autant dénaturer le personnage historique.

Dans mes romans, les personnages sont souvent moteur de l’intrigue. Leur passé, leurs failles et leurs désirs servent de clés pour comprendre l’histoire, mais aussi pour la construire. Par exemple, Ariane, dans Un pont sur l’eau trouble revient dans sa ville natale et ce retour la bouleverse autant que les souvenirs et ce qu’elle découvre sur ses parents ou son frère.

À cet endroit, on était déjà à Saint-Nazaire : le pont commençait en pente douce à Saint-Brevin et culminait à soixante mètres en surplombant la rive droite et les chantiers navals. Sur la Loire, là-bas, elle reconnut les cheminées illuminées de la centrale électrique de Cordemais, les terminaux portuaires de Donges d’où partaient d’énormes pipelines alimentant les méthaniers et autres tankers. Les quais de chargement de Montoir-de-Bretagne se reconnaissaient à leurs montagnes de containers transbahutés avec des grues en forme de girafe et les imposants ferries dont les plus gros transportaient les pièces d’Airbus.

Ariane se souvenait comme si c’était hier du plaisir qu’elle prenait à regarder les mastodontes de métal emprunter le chenal de l’estuaire et passer sous le pont. La nuit, c’était comme un jeu : souvent, on entendait d’abord seulement le moteur du navire, puis il fallait en deviner les lumières qui se confondaient avec celles de la ville tapie derrière, avant de distinguer enfin l’ombre mouvante du bâtiment, escorté jusqu’à sa destination finale par des remorqueurs et des bateaux-pilotes aux dimensions ridicules en comparaison.

Un pont sur l’eau trouble, chapitre 2.

Tisser un réseau d’indices en dosant les révélations

La méthode pour construire des intrigues de romans captivantes, c’est de travailler la chronologie du récit de l’entrecroiser avec celle de la narration. Dans La dernière éclusière de Guerlédan, je navigue par exemple entre les histoires personnelles et les événements historiques :

  • l’intrigue contemporaine autour de l’histoire d’Ophélie
  • l’intrigue historique basée sur l’histoire du barrage, mais aussi l’histoire d’amour d’Eulalie.

Dans la plupart de mes romans, il y a des faux-semblants, des secrets, des non-dits… Tous sont dévoilés progressivement afin de maintenir le suspense. Quelquefois, le lecteur a connaissance de choses, mais pas les héros : on appelle cela de l’ironie dramatique. La mécanique du suspense est l’art de semer des indices tout en conservant intacte l’énigme principale. Pour cela, on alterne des scènes d’action avec des moments introspectifs pour équilibrer tension et émotion.

Ophélie avait toujours connu le lac en eau, depuis qu’elle était toute petite, lorsqu’elle venait visiter ses parents ou ses grands-parents. Le dernier assec du barrage datait de son année de naissance, en 1985. Son père avait dit que les maisons et même les arbres étaient encore là, debout, presque intacts après quatre-vingt-cinq ans d’immersion. Comment cela était-il possible ? Elle avait hâte de découvrir la vallée, ses paysages inédits et ses secrets engloutis. Mais avant ça, elle devait enterrer son papy et une partie de son enfance.

La dernière éclusière de Guerlédan, chapitre 5.

Une fin ouverte pour entretenir le mystère

À la fin du roman, l’auteur doit généralement répondre à toutes les questions (c’est la base du contrat avec le lecteur, sinon celui-ci reste sur sa faim). Mais on peut choisir de répondre en laissant planer un doute… ou en laissant libre court à l’imaginaire.

C’est le cas par exemple dans Oraison pour une île : la fin peut être interprétée de deux façons, l’une positive et l’autre négative. Dans la trilogie des Lumières, chaque volume se termine de telle manière qu’on peut s’arrêter là ou bien lire le suivant (et chaque volume peut d’ailleurs se lire indépendamment des autres).

Les mystères et les intrigues non résolues sont une source intarissable d’inspiration pour mes romans. Ils permettent d’explorer les grandes émotions humaines et les zones d’ombre de l’Histoire. En construisant mes récits, j’aime jouer avec les attentes des lecteurs, les surprendre, tout en les entraînant dans des univers où le suspense et l’émotion s’entrelacent. Et vous, qu’est-ce qui vous fascine le plus dans un roman ? Est-ce la complexité des personnages, la présence d’énigmes ou le plaisir de découvrir enfin la vérité ? Laissez-vous tenter par l’un de mes livres pour percer, à votre tour, les mystères qui s’y cachent.


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