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La construction du barrage de Guerlédan

Pour célébrer la nouvelle couverture de mon roman La dernière éclusière de Guerlédan, l’ebook sera en promotion du 1er au 4 juin (0,99 € au lieu de 2,99 €). Hasard du calendrier (ou pas ! 😁), le 1er juin est une date importante dans l’histoire du lac. En effet, en 1923, les travaux de construction du barrage de Guerlédan sont officiellement lancés. Il y a donc tout juste un siècle. J’évoque cet épisode dans le roman.

Le barrage de Guerlédan : un chantier hors normes en 1923

Tout commence en 1921, alors que Joseph Ratier, sous-préfet du Morbihan, imagine de construire un barrage sur l’écluse de Guerlédan pour alimenter une usine hydro-électrique. Un vrai défi pour cette époque, car il n’existe alors que quatre barrages en France… et aucun ne produit d’électricité ! Ratier passe pour un doux rêveur et même son préfet ne le soutient pas.

Le projet initial du barrage de Guerlédan.

La rencontre de Ratier avec un jeune ingénieur en électricité va rendre ce projet un peu fou plus concret. Auguste Leson (que j’ai rebaptisé Lanson dans mon roman) revient en 1921 dans son pays natal de Pontivy après avoir été en poste à Laon pendant la guerre. Leson donne à Ratier la crédibilité technique qui lui manquait : la construction du barrage de Guerlédan peut commencer.

En rouge, l’emprise du barrage de Guerlédan sur la vallée du Blavet.

— Combien d’écluses sont concernées ?

Lanson la dévisagea intensément. Brusquement, il mesurait de manière concrète ce que son projet progressiste représentait pour les habitants de la vallée. Pour apporter l’électricité à la population, il fallait sacrifier une partie d’entre elle. Jusqu’à présent, il n’avait vu que les avantages et les avancées technologiques, oubliant que le prix de tout cela serait humain.

— Dix-sept, répondit l’ingénieur dans un souffle. La vallée sera inondée sur douze kilomètres, de Saint-Aignan à Bon-Repos.

La dernière éclusière de Guerlédan, chapitre 1.

Une construction mouvementée

L’édification du barrage n’est pas une sinécure. Les travaux sont lancés le 1er juin 1923 et se terminent en 1929. L’inauguration officielle a lieu le 12 octobre 1930, l’arrêté préfectoral de mise en service de l’usine hydroélectrique est signé le 26 octobre, mais la mise en exploitation n’a lieu qu’au 1er janvier 1931.

barrage de guerlédan construction

Le chantier est titanesque et les ingénieurs doivent faire face à plusieurs problèmes. D’abord, la roche locale (du grès armoricain) est plus dure qu’envisagé et il se révèle impossible d’en faire du sable, indispensable. Ce dernier sera acheminé par bateaux depuis la Loire. Par ailleurs, les conditions de travail sont difficiles, les ouvriers mal payés et beaucoup meurent dans des accidents.

barrage de guerlédan construction
Les travaux du barrage de Guerlédan en mars 1928.

Les capitaux financiers fondent vite et les travaux de construction du barrage de Guerlédan connaissent un premier arrêt en 1925, alors qu’on en est qu’aux fondations. Auguste Leson négocie et va même lever des fonds auprès de la Royal Bank of Canada pour financer les travaux. La condition de la banque : terminer l’ouvrage en deux ans. Leson révise alors son projet pour réduire les coûts et gagner du temps. Il abandonne l’idée de créer des écluses pour maintenir le trafic fluvial malgré le barrage et une route sur le haut du barrage.

Le plus difficile pour l’ingénieur avait été de gérer les hommes. Les ouvriers, d’abord, s’étaient de nombreuses fois mis en grève pour protester contre leurs conditions de travail et leurs salaires miséreux. Pourtant, Auguste se montrait soucieux des employés et avait à cœur de ménager ses équipes. D’anciens ardoisiers, pensant faire une bonne affaire en délaissant prématurément leur gisement promis à l’engloutissement, étaient venus grossir les rangs des terrassiers, maçons et carriers. Ils avaient vite déchanté : la construction du barrage demandait des efforts considérables et ils passaient dix heures par jour à charger des pierres et du ciment pour quelques centaines de francs. Petit à petit, l’énorme mur montait, suivi par les frêles échafaudages sans aucune sécurité. Plusieurs hommes périrent, écrasés par les blocs rocheux ou après une chute de plusieurs dizaines de mètres.

Cependant, la colère et la rancœur des ouvriers n’étaient rien en regard de la vindicte des habitants de la vallée de Guerlédan. Si la plupart des riverains abandonnèrent les bâtiments longeant les bords du Blavet dès l’annonce de la construction du barrage, certains réfractaires demeuraient toujours.

La dernière éclusière de Guerlédan, chapitre 8.

Les mariniers et riverains auront beau protester et tenter de saboter le chantier, rien n’y fait. Leson et la Société Générale d’Entreprises (qui deviendra Vinci) reprennent les travaux en 1927. En 1929, le barrage est terminé, mais il connaîtra des fuites récurrentes qui nécessiteront des travaux jusqu’en 1937.

Le barrage de Guerlédan inonde la vallée

La mise en eau du barrage commence le 7 août 1929. La vallée du Blavet, une portion du canal de Nantes à Brest, est totalement inondée sur plus de 12 kilomètres et avec elle :

  • 17 écluses ;
  • 9 carrières d’ardoise et 5 habitations de carriers ;
  • 16 maisons éclusières (comme celle de Trégnanton évoquée dans le roman)
  • une auberge et un moulin ;
  • des fermes et les terres associées.

Le Blavet, monstre liquide, continuait son lent travail de sape. Il commença à lécher les fondations de la maison éclusière de Trégnanton. Eulalie ne reconnaissait plus la rivière qui avait enchanté son enfance dans cette étendue d’eau sournoise. L’une après l’autre, chaque rangée de pierres disparut, engloutie par l’onde tranquille.

Les mains serrées sur son tablier, silencieuse, Eulalie avait regardé la rivière devenue lac envahir son passé. Bientôt, les cimes des arbres se réduisirent à des branches émergeant des eaux brunes. Les murs des habitations rétrécirent au fil des jours, grignotés patiemment par les flots, jusqu’à atteindre le linteau des portes et des fenêtres, puis le plafond. Eulalie imaginait les rares meubles restés sur place flotter dans la grande salle où elle servait le café aux bateliers et aux gueules bleues.

La dernière éclusière de Guerlédan, chapitre 8.

Ces vestiges réapparaissent de manière émouvante lors des assecs réguliers du lac. Dès 1927, l’État oblige en effet la vidange intégrale des lacs artificiels tous les dix ans pour vérifier l’état des barrages et les réparer si nécessaire. Le premier assec pour Guerlédan est prévu en 1941, mais il est alors sous contrôle allemand. L’opération a lieu finalement en 1951 et est répétée en 1966, 1975 et 1985. Chacune de ces dates marque un épisode important dans l’histoire familiale d’Ophélie, l’héroïne du roman.

En 1995 et 2005, EDF utilise des robots pour inspecter les parties immergées et éviter l’assec, mais celui-ci devient inévitable en 2015 pour rénover le système d’étanchéité et les vannes de fonds. Le lac sera asséché intégralement de mars à novembre 2015, révélant un paysage lunaire et des vestiges admirablement conservés. L’eau et la vase ont comme fossilisé les pierres, les arbres et même les charpentes des maisons. C’est dans ce contexte, en mai 2015, que commence La dernière éclusière de Guerlédan.

Le barrage de Guerlédan aujourd’hui

Le barrage de Guerlédan est le premier barrage construit en béton en France. Du haut de ses 45 mètres, il retient 51 millions de mètres-cube d’eau sur 304 hectares. Le lac artificiel est ainsi le plus vaste de Bretagne. L’usine hydro-électrique a aujourd’hui une puissance de 15 mégawatts et produit 20 gigawatt/heures par an, soit la consommation d’une ville de 15 000 habitants.

Le site de Trégnanton lors de l’assec en 2015. La maison éclusière du roman est celle à gauche. D’ordinaire, l’eau effleure les massifs boisés.

Le lac artificiel créé par le barrage est le plus vaste de Bretagne et il alimente aussi les environs en eau potable. Il coupe définitivement la navigation fluviale sur le canal de Nantes à Brest, mais il est devenu un lac apprécié par les plaisanciers pour le tourisme.

L’histoire mouvementée du barrage de Guerlédan m’a inspiré l’intrigue du roman La dernière éclusière de Guerlédan. En visitant les lieux asséchés, je me suis souvent demandée ce qu’avait ressenti les habitants lors de la mise en eau, ce que ressentaient ceux encore vivants lors des assecs. L’histoire du barrage suit celle d’Eulalie, de Maria et d’Ophélie, trois femmes qui traversent les générations de 1921 à 2015. Je vous invite à les rencontrer dans mon roman qui est au tout petit prix de 0,99 € au lieu de 2,99 € en numérique jusqu’au 4 juin.


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