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Les communes, un héritage de 1789

Demain, si vous n’êtes pas au courant, c’est le premier tour des élections municipales (#jevote). J’avais envie, à cette occasion, d’évoquer la naissance des communes. On pense souvent que celles-ci ont été créées par les lois de décentralisation au XXe siècle. En réalité, les communes sont nées en décembre 1789, par la volonté des députés de l’Assemblée nationale.

Sous l’Ancien Régime, des communes inexistantes

Dès l’Antiquité, les gens ont éprouvé le besoin de se rassembler pour s’entraider, mais aussi pour se protéger mutuellement. Cependant, chaque hameau ou pâté de maisons se structurait comme il l’entendait. Souvent, on s’agglomérait autour d’un lieu au centre duquel on finissait par construire une chapelle ou une église.

Paroisse, seigneurie, communauté…

Jusqu’à la Révolution, plusieurs circonscriptions administratives coexistaient :

  • la paroisse, correspondant à la subdivision des diocèses ecclésiastiques sur lesquels le clergé percevait son impôt (la dîme) ;
  • la seigneurie, le territoire sur lequel le seigneur impose sa justice et perçoit les impôts seigneuriaux ;
  • la communauté, le champ de levée de l’impôt royal, la taille.

Evidemment, les limites de ces trois territoires ne correspondaient pas forcément entre eux, sinon ce serait trop facile. Cela dépendait des provinces, des seigneurs, de la période. Si les seigneuries ont beaucoup évolué au gré des guerres, héritages et autres ventes, les paroisses sont restées plutôt stables. Ce sont souvent elles qui vont donner naissances aux communes.

Paroisses sur la limite orientale de la Bretagne aux XIe-XIIe siècles : évolution du réseau en contexte frontalier, Jean-Claude Meuret, Presses universitaires de Rennes, 2013. Source.

Les villes, premier ersatz d’administration communale

Les villes avaient un statut encore à part, car elles se sont très vite libérées du pouvoir féodal (XIIe siècle). Souvent autonomes, elles rassemblaient de nombreuses paroisses, administrées par des structures proches de nos conseils municipaux, à ceci près qu’ils n’étaient pas élus démocratiquement. Il s’agissait plutôt des bourgeois les plus riches qui prenaient en main la gestion de la cité. On appelait ces administrateurs jurats à Bordeaux, capitouls à Toulouse, échevins dans le nord…

14 décembre 1789, l’Assemblée nationale créé les communes

La Commune de Paris, pionnière

Le 14 juillet 1789, le prévôt des marchands de Paris (le maire), est assassiné à la sortie de l’hôtel de ville. Le peuple enragé promène sa tête au bout d’une pique, à l’instar du gouverneur de la Bastille.

Aussitôt, les bourgeois s’organisent pour créer la Commune de Paris, surtout en vue de se défendre. À sa tête, ils désignent Jean-Sylvain Bailly (qui sera donc le premier maire de Paris). Deux jours plus tard, ce sont ces électeurs de la Commune de Paris qui accueillent Louis XVI.

— M. Bailly a été nommé maire de Paris, compléta La Fayette. C’est à ce titre qu’il est reçu en ce moment par le roi. Les électeurs de l’Hôtel de ville ont été enthousiastes à l’annonce de la visite du roi à l’assemblée. Cependant, ils veulent plus…

— Quoi donc ?

— Ils veulent voir le roi à Paris. Et Necker.

Éléonore garda le silence. Lorsque Bailly sortit de son entrevue avec Louis XVI, il leur annonça que le roi allait se rendre à Paris le lendemain, qu’il irait à l’Hôtel de ville accompagné par les députés et qu’il rappelait Necker au ministère.

Vue l’heure avancée de la nuit et comme le comte avait été réquisitionné par le roi pour faire partie de l’escorte l’accompagnant à Paris, Éléonore et Olivier décidèrent de rester à Versailles, usant ainsi des multiples petits appartements mis à disposition des membres de la Cour dans les étages du château. Le lendemain matin, lors de la cérémonie du lever, ils remarquèrent tout de suite que le nombre des courtisans s’était réduit.

— J’ai l’impression que les rats commencent à quitter le navire, glissa Olivier à son épouse, toujours dans son costume de chevalier.

— Vous croyez ?

— J’espère que je me trompe, mais je pense que certains craignent que ce ne soit pas qu’une révolte, mais une vraie révolution. C’est ainsi que M. de La Rochefoucault a rapporté au roi la prise de la Bastille hier matin.

Éléonore se tourna vers Louis XVI, silencieux, comme la veille. Il s’efforçait de sourire en se préparant à aller à Paris. Lorsque la délégation de députés se présenta pour l’accompagner, elle vit le roi littéralement changer d’attitude, revêtant un masque impassible sur lequel il était vain de voir une quelconque émotion. Il se soumettait à ce déplacement dans la capitale avec bonne volonté, mais la crainte continue de mal faire le poursuivait. Il savait que la moindre maladresse ruinerait tous ses efforts. Et pourtant, c’était le roi !

Le Sang des Lumières, chapitre 4.
Le roi Louis XVI se rend à l’hôtel de ville à Paris après le rappel de Necker le 17 juillet 1789, par Jean-Louis Prieur, Musée Carnavalet.

Une nouvelle organisation administrative

On apprend souvent à l’école que la Révolution a été une période de chaos. Mais si les députés ont beaucoup détruit, ils ont aussi énormément construit et organisé la France. Dans une constante recherche d’égalité, les députés ont voulu uniformiser le plus possible les choses. Leur but, que chaque Français dispose des mêmes droits quel que soit son lieu d’habitation.

Le 11 novembre 1789, l’Assemblée nationale divise ainsi le royaume en départements, eux-mêmes divisés en districts et en cantons. Le décret dit aussi qu’il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté, sans aller plus loin. Un mois plus tard, le 14 décembre, une loi créé les communes, plus petite division administrative de la France. Presque toutes les communautés ou paroisses deviennent des communes. Elles sont dotées d’un conseil municipal élu par les habitants et dun maire, même si le suffrage est loin d’être universel. Le nom de commune en soi n’est imposé qu’en 1793.

Le 20 septembre 1792, la République est proclamée. La tenue des registres des naissances, mariages et décès est transférée de la sphère ecclésiastique à la commune. L’administration républicaine prend le pas sur l’organisation religieuse.

Le long chemin des communes vers l’autonomie

Les révolutionnaires ont créé les communes, mais celles-ci n’ont pas tout de suite joui de l’autonomie qu’on leur connait aujourd’hui. Napoléon, sous le Directoire, imposa le suffrage censitaire et la désignation du maire par le pouvoir central ou le préfet.

Il faudra attendre 1884 pour que le maire soit élu par les conseillers municipaux eux-mêmes. La même loi institue le suffrage universel direct pour les élections municipales. Rappelons toutefois que cet « universel » est exclusivement masculin, les femmes n’obtenant le droit de vote qu’en 1944 !

Les femmes votent pour la première fois lors du premier tour des élections municipales le 29 avril 1945. Crédits : AFP

La constitution de 1958 reconnait aux communes le statut de premier niveau d’administration territoriale. Cependant, leur gestion reste longtemps soumise au pouvoir central. En 1979, le Conseil constitutionnel reconnait le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il acte ainsi le fait que chaque commune, département ou région est libre de ses décisions sur le territoire relevant de sa compétence.

La loi du 2 mars 1982, « relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions » entérine cette décentralisation, c’est à dire le transfert du pouvoir de l’État vers des collectivités. C’est le modèle que nous connaissons encore aujourd’hui, donnant à chacune des compétences bien particulières.

Voilà pour cette petite leçon d’histoire, j’espère qu’elle n’a pas été trop rébarbative ! 🙂 Et n’oubliez pas d’aller voter demain !

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