L’élaboration de L’alliance de Penthièvre était un exercice particulier, car j’ai signé un contrat sans avoir rédigé de manuscrit ! Il s’agit en effet d’un roman « sur commande » . Je me suis dit que cela pouvait vous intéresser de savoir comment son écriture s’était déroulée.
La préparation
Tout a commencé au salon Livre Paris, en mars 2019. Andrea, mon agent, m’annonce qu’elle doit y rencontrer une éditrice de chez Harlequin qui souhaite lancer une nouvelle collection de romances historiques.
L’éditrice a lu et aimé Le Vent des Lumières, mais évidemment ça ne colle pas trop à l’univers d’Harlequin. Néanmoins, elle apprécie ma plume. Elle aimerait que je lui propose, si ça m’intéresse, un synopsis de romance historique pour cette collection.
Les prémices de l’histoire
En avril, j’échange avec Emma, la créatrice de la collection, sur ses attentes et sur le cadrage de la romance (le style, le vocabulaire, la place de l’histoire…). Je lui propose 2-3 idées d’intrigues et on se met d’accord pour que j’approfondisse l’une d’entre elles.
Pour l’arrière-plan historique, je me replonge dans mes cours d’histoire de la Bretagne de la fac (en 1996 !). J’avais bien une idée de la période, car je voulais aborder la Bretagne ducale d’avant la duchesse Anne. Mais je voulais exploiter un épisode historique précis. Après avoir compulsé mes cours, je me décide. Ce sera la guerre de Succession (1341-1365) et plus particulièrement la fin de celle-ci.
L’élaboration du synopsis
Ces recherches documentaires me permettent de construire un premier plan du déroulement de l’histoire avec les rebondissements. Je rédige un synopsis résumant tout ça et l’envoie à Emma. Quelques allers-retours permettent d’affiner le scénario et le développement des personnages. Une fois le synopsis validé par Emma, le contrat d’édition est signé : on est en juin 2019.
L’écriture du roman
Armée de mon plan et de mon synopsis, je me lance dans l’écriture. J’écris dans un premier temps les trois premiers chapitres que j’envoie à Emma. Ainsi, elle me signale les choses à retravailler et les points de vigilance au niveau de l’écriture en elle-même. Par exemple, je dois utiliser un vocabulaire soutenu et ne pas hésiter à utiliser des mots ou des expressions d’époque. Il faut aussi faire attention aux tournures de phrases trop modernes et aux expressions familières.
Des conditions d’écriture pas simples
L’écriture du manuscrit entier va courir jusqu’à fin novembre. Cette étape d’écriture a été assez compliquée pour moi, pour deux raisons principales. D’abord, j’étais en pleine période de (gros) changements dans ma vie personnelle, avec des travaux, un déménagement et un changement de boulot. Durant l’été 2019, mon chéri a pris en charge tout le second œuvre de notre nouvelle maison. De mon côté, j’ai assuré le suivi de chantier et l’administratif.
En même temps, je préparais le déménagement (un peu toute seule avec mes filles puisque mon homme était sur le chantier, à 150 km de là…). Je faisais aussi mes derniers mois à la mairie en tant que titulaire. Et je préparais un lancement en freelance (qui sera finalement retardé pour cause de CDD !). Autant dire que je n’avais pas vraiment beaucoup de temps à consacrer à l’écriture. Surtout, je n’avais pas le cerveau disponible.
L’importance de la documentation
La deuxième raison est plus liée au roman lui-même. D’abord, j’ai fait l’erreur de m’embarquer dans une période historique qui m’intéresse beaucoup mais que je ne maîtrisais pas suffisamment pour être à l’aise avec les descriptions, les mœurs, le vocabulaire, etc. J’ai donc passé beaucoup de temps à chercher des infos, vérifier des données, lire de la documentation… En temps normal, c’est une chose que j’adore faire, mais dans le contexte expliqué ci-dessus, j’étais un peu dans l’urgence.
Ensuite, c’était la première fois que j’écrivais un roman avec un plan aussi détaillé. Avec le recul, je dois avouer que ça m’a parfois bloquée. En réalité, mon plan n’était pas assez réfléchi au niveau des scènes. J’ai été confrontée plein de fois au problème du « show, don’t tell ». Par exemple, j’avais prévu une scène « Pénélope est séduite par Armel », mais sans savoir comment ça se passait concrètement. Or il me fallait décrire des actes, pas juste dire qu’Armel avait séduit Pénélope !
Tout cela avec la « pression » de l’échéance. En effet, dans mon contrat je m’étais engagée à rendre mon manuscrit à une certaine date ! Heureusement, j’ai pu négocier avec mon éditrice quelques semaines de délai supplémentaire.
La relecture et les corrections
Première relecture
J’ai remis mon manuscrit complet à Emma, qui en a fait une relecture détaillée. Elle m’a rendu ma « copie », avec ses annotations, ses suggestions et ses remarques. Pour ceux qui se posent la question, elle n’a rien réécrit à ma place. Elle a souligné des tournures de phrases, des fautes ou des incohérences en suggérant une correction. Le fait est que je les ai presque toutes prises en compte, car elles étaient pertinentes.
Sur le fond, il y avait quelques scènes qui posaient problème, car elles n’étaient pas assez immersives. Il fallait vraiment que les lectrices se sentent plongées au cœur du Moyen Âge. Il fallait accentuer les descriptions des vêtements, de la nourriture, des paysages… J’ai donc repris mon manuscrit en ce sens pour renvoyer une version finale en mai 2020.
Deuxième relecture
Inutile de vous dire que j’attendais le retour d’Emma sur cette deuxième version avec impatience et anxiété. J’ai été donc très soulagée lorsqu’elle m’a dit que ma réécriture était très bonne et qu’il n’y avait plus que quelques ajustements à faire.
Ensuite, elle a envoyé le manuscrit au service de corrections d’Harlequin pour vérifier l’orthographe, la grammaire, la conjugaison et la typographie. Là encore, j’ai eu un retour de la correctrice pour valider ou non ses corrections.
Le BAT (bon à tirer) final
Enfin, j’ai reçu un PDF de mon roman maquetté à la charte de la collection Aliénor, que j’ai du relire une nouvelle (et dernière) fois pour le valider. J’ai signé mon BAT (bon à tirer) qui donne le feu vert pour l’impression. Et là tu souffles un grand coup avant de signer, comme si ta vie en dépendait 😅.
Parallèlement, les graphistes ont travaillé sur la couverture. Contractuellement, c’est toujours l’éditeur qui a la main sur le titre et la couverture du roman, même si en général ça se fait en bonne intelligence avec l’auteur !
La parution est prévue le 1er novembre 2020, L’alliance de Penthièvre sera le volume 7 de la collection Aliénor à paraître et mon sixième roman.
Les leçons de l’expérience
L’écriture d’une romance (historique) Harlequin est beaucoup plus compliquée que ça n’en a l’air. L’exigence éditoriale est à cet égard ce qui m’a le plus surprise. Même si on reste dans de la romance à l’eau de rose, l’histoire doit être construite, les personnages crédibles, l’arrière-plan historique respecté… Loin du roman écrit à la va-vite ou par un ordinateur comme peut le lire parfois !
Cette expérience d’écriture sur commande dans le cadre d’une collection particulière d’un éditeur a été néanmoins pleine d’enseignements pour moi. J’en retire (au moins) 3 leçons.
- Leçon n°1 : Ne pas m’embarquer dans l’écriture d’un roman historique sans bien connaître la période, et pas seulement d’un point de vue des événements et des personnages. Il faut aussi avoir une bonne connaissance des us et coutumes, du mode de vie, etc. pour être crédible.
- Leçon n°2 : N’accepter un ouvrage sur commande avec une date d’échéance que si j’ai le cerveau disponible.
- Leçon n°3 : Bien construire son plan en réfléchissant dès le départ à ce qui va ou doit se passer dans chaque scène, afin de faciliter l’écriture (pour les initiés, penser donc à ce qu’on va montrer, et pas seulement à ce qu’on veut dire).
J’espère que ce petit tour dans les coulisses de L’alliance de Penthièvre vous aura plu. N’hésitez pas à me poser d’autres questions en commentaires si vous le souhaitez. Pénélope et Armel vous attendent début novembre dans les librairies, en ligne et même dans les supermarchés ! Quant à moi, je vous retrouve la semaine prochaine pour un nouveau billet sur la préparation du Nanowrimo.
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