Lorsqu’on se lance dans le roman historique, choisir une époque est toujours délicat, car elle conditionne pas mal de choses. À travers ma saga des Lumières, j’explore une période historique qui débute en 1778 et se terminera en 1815. Pourquoi j’ai choisi cette période ? Comment faire pour choisir une époque historique pour son roman ? Je vous donne des conseils à partir de mon expérience.
Le choix de l’époque pour ma saga historique
Si vous débarquez sur ce blog, j’ai débuté ma saga historique en 2015 avec Le vent des Lumières qui couvre les années 1778-1788. Elle se poursuit avec Le sang des Lumières, sorti en 2018, qui se déroule de 1789 à 1799. Je suis en train d’écrire le dernier tome, Les Lumières d’Amérique, qui paraîtra (je l’espère !) en fin d’année. Cette fois, l’amplitude est un peu plus longue, puisqu’on ira de 1799 à 1815.
Les différentes époques de la saga des Lumières
Ce découpage ne doit rien au hasard, puisque, historiquement, chaque tome correspond à un cycle :
- Pour Le vent des Lumières, c’est la pré-révolution, 1778 marquant le début de la guerre d’indépendance américaine qui pèsera beaucoup dans la situation économique exsangue qui causera la Révolution. Je m’arrête à la veille des États Généraux, en 1788, qui ouvrent la période révolutionnaire.
- Le Sang des Lumières couvre toute la fameuse Révolution française, de 1789 et la prise de la Bastille à 1799 et le coup d’État de Napoléon Bonaparte. À l’intérieur de ce cycle, les historiens identifient trois grandes phases : l’Assemblée constituante et législative, jusqu’en 1792 où est proclamée la République, suivie de la Terreur jusqu’en 1794 et la chute de Robespierre. Elle se termine avec une période plus « calme », le Directoire, jusqu’en 1799, date à laquelle Napoléon prend le pouvoir.
- Enfin, Les Lumières d’Amérique clôt ce cycle en couvrant la période napoléonienne, c’est-à-dire le Consulat et l’Empire. C’est ce qui explique que je ne me suis pas arrêtée au bout de dix ans comme pour les précédents tomes.
Respecter les cycles… ou s’en affranchir ?
Une fois que j’avais donc opté pour cette époque particulière, il me semblait normal de respecter ces cycles historiques. Cela n’aurait pas eu de sens d’arrêter mon dernier tome en 1810, par exemple, alors que Bonaparte avait encore cinq ans à faire au pouvoir.
Mais, nuançons : ça n’avait pas de sens pour moi, autrice. Pour un autre auteur, peut-être que ça aurait été logique de s’arrêter avant. Certains romanciers couvrent des périodes très courtes avec un seul roman. Je pense à Jean-Christophe Portes et ses excellents polars historiques justement pendant la période révolutionnaire. Chacun d’entre eux couvre une ou deux années (voire mois) seulement. C’est un choix.
Pour ma part, j’avais envie d’aller jusqu’au bout de l’époque napoléonienne, notamment parce qu’à mon sens, les dernières années sont les plus intéressantes. Je voulais explorer pourquoi cet empereur a fini par se prendre les pieds dans le tapis, alors qu’il avait toute l’Europe à sa botte.
Pourquoi choisir cette époque pour mon roman historique ?
Au début, il y a une part de hasard. Pour la petite histoire, mon envie d’écrire des romans historiques m’est venue quand j’étais ado. Comme beaucoup de filles de mon âge, j’ai rêvé devant la série des Angélique, puis j’ai découvert les romans (d’une toute autre facture !). Du haut de mes douze ou treize ans, me voilà partie à écrire un roman historique, une sorte de fan fiction avant l’heure.
Oui, mais voilà, je ne me voyais pas placer l’intrigue à la même période qu’Anne Golon : le siècle de Louis XIV est certes très riche, mais ça aurait fait trop copié. J’aurais pu remonter dans le temps, mais je ne connaissais pas assez le Moyen Âge ni la Renaissance pour me lancer. Louis XV m’inspirait peu et me paraissait trop… évident. Et puis d’autres téléfilms m’ont fait découvrir Le Gerfaut (de Juliette Benzoni) et La comtesse de Charny (d’Alexandre Dumas), tout les deux sous la Révolution. Ce fut le déclic.
En me documentant, j’ai découvert que, contrairement aux idées reçues (et colportées par l’historiographie pendant des décennies), la Révolution n’a pas été qu’une période sombre et sanglante. Pendant cette époque sont nées un nombre impressionnant de choses qui façonnent encore notre histoire politique (la « gauche » et la « droite », l’hémicycle, ou simplement la République), mais aussi notre vie quotidienne (le système métrique, par exemple).
Alors, j’ai voulu explorer ces pans méconnus de l’Histoire et les partager avec mon lectorat. J’avais envie que vous vous disiez, vous aussi : « ah, ça vient de ça, telle expression ! ».
Mes conseils pour bien choisir l’époque historique de votre roman
Pour moi, la fin du 18e siècle s’est imposée presque d’elle-même. Mais lorsque j’ai eu l’opportunité d’écrire une romance historique pour Harlequin, j’avais envie d’explorer une autre période. J’ai choisi cette fois la Bretagne ducale, parce que je savais l’histoire de la région suffisamment riche.
Mais il fallait affiner l’époque et en creusant les événements, je me suis décidée pour les années 1365. L’alliance de Penthièvre se passe au moment où une guerre de succession déchirait la région et offrait donc un matériau là aussi riche pour l’arrière-plan historique.
De mes expériences, je tire quelques leçons au moment de choisir sa période historique pour son roman.
Choisissez une époque historique que vous connaissez assez bien
Il est tentant de se dire que l’on va partager ses découvertes avec ses lecteurs et lectrices. Mais l’exercice trouve vite ses limites : si c’est exaltant, c’est aussi dangereux. Pour L’Alliance de Penthièvre, je connaissais à peu près l’époque médiévale, mais pas suffisamment pour immerger mes lectrices totalement dedans. Un tas de détails de la vie quotidienne m’étaient totalement inconnus.
J’ai donc passé beaucoup de temps à me documenter (ce n’est pas du temps perdu, car ça me servira encore si je retravaille cette période). Mais il faut le prendre en compte quand on démarre.
Ne vous contentez pas des grands événements ou personnages historiques
Le risque est grand aussi de ne s’attacher qu’aux grands événements ou aux personnages marquants. Or, la petite histoire est parfois aussi intéressante que la grande (ou permet de la comprendre !). Essayez de traquer les micro-événements locaux pour aborder une date phare ou un personnage historique. Le choix de la période historique pourra alors découler des sources disponibles.
Les bulletins d’histoire locale sont des mines pour cela : vous découvrirez des personnages hauts en couleurs, mais pas forcément connus. De plus, ils laisseront suffisamment de place à votre imagination d’auteur pour combler les trous de leur biographie, plus que les grands hommes dont on n’ignore plus rien !
Acceptez de faire des choix
Tout roman est un renoncement et c’est encore plus vrai pour un roman historique. On ne peut pas tout dire, tout aborder dans un roman. Dans un roman historique, il faudra aussi adopter un point de vue. Encore une fois, la « grande » histoire sera vue par le petit bout de la lorgnette.
N’oubliez pas que l’Histoire n’est que l’arrière-plan. Au début j’ai eu cette tendance de vouloir expliquer l’histoire. Or, je n’écrivais pas un livre d’histoire, mais un roman historique.
Aimez la période historique que vous choisissez
C’est presque évident, mais on peut parfois être tenté de choisir une période parce que c’est à la mode ou dans l’air du temps. Or, vous allez passer un petit bout de temps dans les sources et à penser avec l’esprit de cette période. Autant vous y sentir bien !
Moi, j’aurais adoré vivre juste avant la Révolution, cette période où on avait l’impression que tout était possible et où les gens allaient changer le monde, même si on déchante un peu face à la réalité.
Choisir une période historique pour son roman relève donc à la fois du hasard, de ses appétences et des sources disponibles. J’apprécie de pouvoir partager avec mon lectorat ce que j’apprends sur une époque. Et le meilleur compliment qu’on puisse me faire, c’est de me dire que vous avez appris quelque chose en lisant mes romans !