Les puristes conseillent de ne visiter un musée que pour deux ou trois œuvres dont on sait qu’elles s’y trouvent. Et de snober toutes les autres en attendant de tomber sur celle qu’on cherche. C’est compter sans le hasard. Sans l’émerveillement de l’œil, le choc d’un tableau croisé au détour d’une salle à priori anodine. La galerie des collections permanentes de Beaubourg est ainsi faite qu’elle entrecroise dans un même champ de vision des œuvres très différentes et l’on peut s’amuser à passer de l’une à l’autre au gré des regards perdus. Je crois traverser un couloir sans intérêt pour…Lire la suiteSoulages et le noir de la lumière
Inachevés
On ne termine jamais vraiment les choses ; c’est leur côté inachevé qui les rend d’ailleurs souvent intéressantes, vivantes. Le fini statique effraie par son irrémédiabilité. C’est comme ces villes qu’on visite des dizaines de fois sans jamais en être blasé, parce qu’il y a toujours du neuf, du différent. Et parce que l’oeil qu’on y traîne change aussi. Mes souvenirs parisiens finissent par tenir du kaléidoscope vivant et inachevé tant que je pourrais y ajouter des images. Si ma mémoire était un appareil photo, je me ferais volontiers Doisneau pour immortaliser l’anodin pourtant unique de moments indéfinis. L’esplanade du…Lire la suiteInachevés
Juste un souffle, au départ ; même pas un effleurement. Juste l’esquisse du geste, l’esquisse de l’apposition de la main sur la peau nue. Même pas une caresse. A peine un frôlement. Surtout, ne pas toucher ! Les doigts suivent la courbure d’une épaule, la rondeur incurvée d’une nuque, à un centimètre de l’épiderme, comme si un champ magnétique tenait à distance la main étrangère. Il y a juste la tièdeur des deux peaux qui s’appellent l’une l’autre, jusqu’à ce que la chaleur devienne frisson. Les mains entourent le corps, comme un géomètre pose des jalons, des repères pour tracer…Lire la suiteTableau verbal d’un nu
Sortie de l’opéra, à l’approche de minuit – dixit l’horloge du beffroi de l’hôtel de ville. Je suis euphorique et en même temps j’ai envie de pleurer. Dès les premières mesures du Nozze di Figaro de Mozart, j’étais émue… Je les ai tellement écoutées que de les entendre, là, « pour de vrai », résonner sous la voute de la petite salle de l’opéra me met dans un état second. Je suis heureuse et une émotion me serre le coeur. Bonheur qui se transforme en tristesse, cette tristesse qui vous prend à la fin des choses qui se terminent. Curieusement, la plénitude…Lire la suiteQuand Mozart me met hors du monde…
J’ai déménagé. C’est juste un petit village ratatiné au pied d’un clocher pourvu de quatre clochetons. Trois lumières palotes : le halo de trois réverbères d’éclairage public perdu dans un brouillard de janvier. Et la présence irréelle d’une étoile de Noël en face de la fenêtre de la chambre à coucher. Juste un petit village, trois cents âmes dispersées dans une campagne silencieuse qui s’étend au pied du salon… Le silence juste troublé par les cloches qui sonnent l’heure et la demie… « Ennuyeux comme la mort », dîtes-vous ? C’est un trésor. La quiétude d’une vie. Ce que les tourmentés, les…Lire la suiteDes colombes et des cloches
… Et tu es là. Comme une ombre. J’ai beau masquer les fenêtres, cacher le soleil, la lumière du jour, tu restes. Me rendre aveugle, ne plus voir ton fantôme. Avoir le courage de t’oublier, te ranger dans la pochette à souvenirs. Te vouer au passé, regarder l’avenir. Mais tu es trop présent. Ce n’est même pas ta faute. A peine la mienne. C’est « ainsi ». Parfois, le désir de ne plus penser, de m’oublier, de n’être qu’une petite chose sans sentiments, sans passions, sans âme. Juste une poupée qu’on pourrait utiliser à sa guise sans qu’elle ne s’émeuve de quoi…Lire la suiteSoliloque pour un absent
Je reste sur mes ressentis du jour, ni tempérés par la relecture, ni sublimés par le recul. Juste la sensation délicieuse d’un badinage agréable, soie légère, dentelle délicate, mousseline vaporeuse. J’y ajoute l’odeur mouillée d’un thé vert, le parfum ambré sur fond de miel d’un bâton d’encens, la lueur indirecte de la lampe de bureau, un filet de musique sacrée – Miserere d’Allegri – et me voilà partie dans les sphères de l’imaginaire… Certains pensent que le rêve est par essence improductif et donc inutile. Peut-être raconterais-je un jour comment un rêve fut mon plus propice aiguillon à l’écriture –…Lire la suiteRêver son réel, réaliser ses rêves
Le message électronique est comme une lettre. On ne dira pas que dans l’écriture, le support importe peu, je sais que ce n’est pas vrai : on est souvent moins indulgent avec ce qu’on écrit directement sur un fichier qu’avec ce qu’on rédige à la main. Mais, la plupart du temps, mes messages électroniques ne sont que le retranscrit informatique d’une lettre que j’aurai rédigée à la main, préalablement. Par habitude, sans doute. Par goût, aussi. Oserai-je… par plaisir ? Oui, après tout, c’en est un, qui en appelle aux sens aussi sûrement que l’émoi amoureux (caresser le papier de…Lire la suiteC’est sensuel, l’écriture…
La pochette bleue
Publié le 3 novembre 2003 C’est une pochette en plastique toute simple. Bleue avec des élastiques jaunes. Une malle à souvenirs. Un carnet de route dont les pages non numérotées se mélangent au hasard des « voyages » – des sorties qui, pour la plupart, ne m’ont physiquement pas fait faire plus de trente kilomètres. Mais qui m’ont fait avancer. Un « pass 3 jours » de la RATP mord le coin d’un billet de TER pour Paris (via Le Perche, arrêts à toutes les gares – éclectisme assuré). Le ticket de caisse de la Taverne Saint-Michel – thé nature (et une rondelle de…Lire la suiteLa pochette bleue